1914 - Pupille de la Nation - 1918
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Centenaire |
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1918 | Janvier | Février | Mars | Avril | Mai | Juin | Juillet | Août | Septembre | Octobre | Novembre |
6 avril 1918 - Les derniers instants de Désiré-Joseph
Pour mémoire, en avril 1918, Désiré (37 ans) avait eu deux frères, le benjamin : Louis, père de Papy-Louis, décédé le premier mois de la guerre à l'âge de 30 ans (il en aurait donc eu 34 en 1918) et Réné, l'ainé (44 ans en 1918).
Après un service militaire et de nombreuses périodes, en particulier au camp du Ruchard, il est mobilisé dans le 135ème RI de réserve soit le 335ème RI et fait 4ans de guerre, presque toujours en premières lignes, signaleur, estafette, vélocipédiste de liaison, radio-télégraphiste et homme de troupe d'attaque, c'est donc après avoir été sous l'uniforme près de 8 ans qu'il va donner sa vie pour la patrie à 37 ans avant même d'avoir pu fonder une famille.
Courriers de famille (9) |
Derniers instants | Journaux de Marches et Opérations JMO |
Le Bois Sénécat | Certificat officiel de décès |
Médailles et certificat |
Plessis Grammoire 4.4.18 Mon cher
René
… demain je vais à l'enterrement à la mère Durand qui est morte tout d'un coup. Elle avait fait une bonne journée et le soir elle a tombé de sa chaise et relevée elle était mieux , elle a retombée. 2H1/2 plus tard et sa fin est venue à 5h du matin. Mercredi sa dernière parole, elle a dit de dire au-revoir à Eugène pour elle. Enterrement en première classe et Poidevin a fait ses jours de Pâques avec la bouteille et a fini avec une corde. Le garde a fait sauter la porte et l'a trouvé à sécher, il y avait trois jours. … voir Marie Louise qui est toujours malade. Besnardeau a eu ses dix jours et il croit que l'autre sera sa grande permission, espérons. ...les permissions ne font pas, Auguste qui est reculé, il croyait être là vers la fin de mars. … J'ai reçu de Joseph la semaine dernière et je vais lui faire un petit colis que Leroyer va lui emporter dimanche. Lundi j'ai vu A Leroyer qui repartait, il a passé par la maison pour t'envoyer un bonjour. Il s’ennuie bien, il n'est pas le seul mais on se demande si ça finira quelquefois, il semble qu'il y en a pour le reste de nos jours. Ta Jeanne qui t'embrasse de tout cœur. (en marge) : Dans une lettre j'avais mis une pensée et un trèfle vert à quatre feuilles. |
La belle-sœur de Désiré à son mari (44 ans - mobilisé et s'occupant de récupérer, transférer et encadrer des prisonniers) En effet, les femmes étaient tellement sollicitées que beaucoup d'entre-elles, qui plus est sous-alimentées et travaillant dur, on vu leur santé s'altérer voire en sont décédées. D'autres, ne supportant plus les tragédies qui les entouraient ont mis fin à leurs jours.... L'épouse d'un beau-frère, elle aussi en mauvaise santé . Au pays on apprend que les permissions sont retardées voire annulées mais on n'en connaît pas la raison : l'offensive allemande qu'il faut contrer ! En effet, Jeanne dit dans une autre lettre qu'elle a reçu une carte du 01 avril. En fait il est déjà rendu à proximité d'Amiens et malheureusement, le colis de Jeanne, il ne le verra pas.... Le découragement est souvent de mise et on peut comprendre après 4 longues années d'inquiétude, de misères, de malheurs et de souffrance ! De tendres pensées et des porte-bonheurs.... |
Herbeville le 10 Avril 1918 Besnardeau escompte pour bientôt, il aura son tour avant moi, mais il avait déjà bien compté et ça ne va pas si fort à l'avant que ça. Cette bataille décidera peut-être quelque-chose mais elle sera encore longue et point sans coûter de monde encore. Je pense écrire à Andard ces jours. Je suis en bonne santé et t'embrasse tendrement. |
René, le frère aîné est souvent à Paris, d'ailleurs sa collection de tickets de métro le prouve .... Il y faisait des navettes pour les prisonniers ainsi que des gardes à l'école militaire. Cela fait 4 jours que son frère Désiré est décédé. Il sait qu'une grande bataille est de nouveau en cours et quand il écrit "elle sera encore longue et point sans coûter de monde encore", il ne le sait pas encore qu'il est désormais le seul survivant de la fratrie ! |
Plessis Grammoire 15.4.18 mon pauvre René il nous faut bien du courage pour vivre et voir tant de peine, te dire que tu n'es plus que tout seul, plus de frère, plus rien. Je me demande s'il y en aura qui rentreront à leur maison. J'en avais eu un songe quand à sa dernière permission, il avait été voir toute la famille et d'un bon tour, il avait tout pour être agréable et aujourd'hui je me suis rassurée pour voir si cette bien réelle est bien trop vraie. Euphrasie est venue avec moi chez le père Durand. (marge) Eugène D. l'a écrit deux fois, il a été tué le samedi 6 avril et pas grand détail sur sa lettre, mais il ne faut plus compter sur ses nouvelles que j'aimais bien recevoir, mon pauvre René, ne m'oublie pas, tu sais que j'ai fait pour ton pauvre frère comme pour toi. Je lui avais envoyé un petit colis par Joseph Leroyer qui repartait le 7 et il était déjà tué. J'avais reçu une carte qu'il m'avait envoyée en date du 1er et je l'ai reçue le 5, en parfaite santé, pas grand détail sur une carte pas cachetée. Et dire que tout est fini ! Samedi, j'ai été au marché et bien du monde en avait connaissance mais pour en dire un mot, rien. Hier, après la messe, la tante me l'a dit, tu dois voir comme ça fait plaisir de savoir cela, que faire ? Je vais attendre pour voir ce que tu as idée de faire pour moi, ça serait un service quand tu serais là. Ta Jeanne qui n'a plus qu'un espoir en toi, prends courage. Triste vie. J'ai écrit à tonton Louis et à tonton Chauveau. (marge) |
De
l'épouse (Jeanne) du seul survivant à
son mari (René) Le ton de la lettre est donné par le "pauvre".... C'est en effet par ce courrier que René apprend le décès de son deuxième frère (Louis était décédé en 1914, dès le premier mois de la guerre) Cette lettre, comme les suivantes de cette page est poignante d'émotion. On y lit toute la tristesse, des survivants, au front comme à l'arrière au pays. Désiré avait-il un pressentiment pour que sa belle-sœur ait ressenti cela ? Heureusement que les femmes se soutenaient en partageant cette tristesse. De telles visites devaient être si difficiles. Il est certain que depuis 4 années, Désiré qui n'avait pas eu le temps de fonder une famille (presque 8 années en uniforme pour finir ainsi), écrivait plusieurs fois par semaine à Jeanne qui lui répondait comme à son mari. Elle explique ici que le colis à propos duquel elle parle dans la lettre précédente n'a pas pu lui parvenir, et pour cause ... On imagine les propos dans le village, discussions souvent à mots couverts mais qui sont peut-être perçues encore plus difficilement comme quand on surprend une conversation malfaisante à son propos ..... On peut supposer qu'elle aimerait confirmation et précisions et pense peut-être au corps ? Elle aimerait que son mari soit là pour l'aider dans ces démarches et recherches. Les voyant tomber l'un après l'autre, elle sait que son mari peut être le prochain sur la liste .... |
Herbeville
18 Avril 1918 Ma chère Jeanne J'ai reçu mardi ton billet m'annonçant la mort de Joseph, dire que la douleur nous frappe encore. Malgré qu'on pouvait s'y attendre, j'hésite encore à croire, je relis ce billet souvent mais hélas. Il faut s'attacher au courage comme lui faisait pour repartir, je lui pardonne tout quand je me rappelle les soins qu'il prenait pour moi lorsque j'étais malade. Ah oui la vie est triste et je désirerais bien être près de toi pour pleurer et nous consoler ensemble. Un baiser, bon courage, bonne santé. |
Ce n'est
certainement pas
un hasard si René choisit le Sacré-Cœur
pour
répondre à son épouse suite
à l'annonce du
décès de son frère. En effet, il avait utilisé le même symbole lors de la première carte qu'il avait réussi à écrire à la mère de Papy-Louis suite au décès de son autre frère Louis .... Il parait résigné mais le phrase "je relis ce billet souvent mais hélas" le poursuivra jusqu'à la fin de ses jours en 1951 .... Il ne s'en remettra jamais. Malgré tout, il tente de redonner du courage à son épouse, pardonne ce qui pourrait être à pardonner et reconnaît combien Désiré était présent, toujours attentif aux autres et ne se plaignant jamais. |
Plessis Grammoire 18.4.18 mon pauvre René tu dois avoir reçu notre malheur, Joseph Leroyer a écrit chez le père Decorce qu'il avait été tué avec son camarade, pas grand détail car il voit bien des absents à son retour Emile est tué le 14 et au pays il y a bien : Chanteloup, (Poiros), il est question de 8, c'est appréciable, mais nous ne reverrons plus notre frère. Chacun pleure les siens, c'est bien pénible pour nous, enfin, il faut bien du courage pour vivre. La vie n'est pas belle. Aies confiance et prends courage pour les permissions si tu es bien, je préfère. ...Euphrasie est venue me voir plusieurs fois et t'envoie un bonjour et un bon courage. La mère Barbot est venue aussi. C'est des tristes visites de ce moment. Je termine en t'embrassant de tout cœur Jeanne. Madeleine t'envoie un bonjour, elle pleure, elle fait comme moi, mon cher René plus que tout seul. |
Trois jours après sa première lettre, elle tente de donner les informations complémentaires qu'elle possède et malheureusement, ce ne sont que des recoupements par des permissionnaires ou des courriers de camarades à leurs familles. On apprend donc qu'il étaient deux, mais dans quelles circonstances ? Bien d'autres amis du village et des environs ont été touchés ou tués et ils se comptent ... On ne peut que comprendre un tel désarroi ! Cette phrase doit vouloir dire " je préfère encore te savoir vivant même si tu n'as pas de permission" Cette cousine semble avoir été très présente (on apprendra qu'elle a survécu à la grippe espagnole, à la fin de l'année 1918, ce qui était rare). Malgré la tristesse de ces rencontres, ce n'était que leur seule "cellule psychologique"...... Pleurer ensemble. |
Plessis Grammoire 21.4.18 Mon pauvre René J'ai reçu hier tes cartes, chez Decorce vont souvent à la poste le soir et je reçois plus vite. Ça me fait grand plaisir d'avoir des nouvelles surtout quand elles sont bonnes. Je n'ai plus d'espoir qu'en toi pour lire et t'écrire que c'est pénible pour nous de n'avoir plus rien. Ernestine m'a écrit pour réponse à la lettre que j'avais envoyée chez tonton Louis, sa petite lettre est mieux faite que les miennes. Ça renouvelle tous nos malheurs et il faut pleurer. Sa carte qu'il m'avait envoyée est en date du 1er Avril, il me semble qu'il devait partir peu après car il me dit qu'il m'envoie cette carte en attendant mes nouvelles et il n'y avait pas de retard, je lui répondais de suite, il a dû recevoir dans le jour, j'avais envoyé le mercredi saint et une autre le 6, le jour qu'il est tombé en lui disant que je lui envoyais un colis par Leroyer et quand Leroyer a été rendu, il a sur qu'il était mort. J'ai dit chez Decorce de lui demander s'il pourrait savoir quelque-chose. On dit que cette bien terrible, sur 500, 60 étaient revenus, et ça a duré plus de 13 jours. Il a dû en tomber et pourquoi ? Il nous faut bien du courage à la maison. Allons mon cher René, bon courage et bonne chance pour revenir avec moi finir nos jours ensemble. Chez mon père, ça ne va pas vite, il faut être deux pour le lever. Il dit « les vieux restent et les jeunes se font tuer »… (marges) Ta Jeanne qui ne t'oublie pas. (en haut de lettre) |
Jeanne sait par ce courrier que René a reçu l'information puisqu'il a répondu par la carte du 18 avril. Malgré toute la tristesse, on la sent rassurée par les nouvelles de son mari. Ici elle fait référence à la mère de Papy-Louis qui évidemment revit avec eux la perte de son mari, le père de Papy-Louis. La nécessité des larmes exprimée simplement. Peut-être n'a-t-elle pas compris dans la carte de Désiré, du 1er avril (que je ne possède d'ailleurs pas) mais soit elle confond avec l'annonce de son transfert de Nancy vers Amiens, fin mars, soit Désiré disait qu'il partait "pour attaquer" (voir JMO) C'est la première fois qu'elle utilise le mot, (avant elle parlait de tué, tombé etc..) Bien sûr elle est toujours à la recherche d'éléments supplémentaires, elle veut savoir et c'est compréhensible. Le nombre correspondrait plus à l'attaque qu'au Régiment seul mais est impressionnant. Pourquoi ? : l'absurdité de la guerre organisée par les puissants et faite par les misérables... Une note d'espoir et d'encouragement ponctue cette lettre. Dans la mention marginale, les vieux malades aimeraient mieux donner leur vie que d'être à la charge des femmes veuves... |
Herbeville 21 Avril 1918 Ma chère Jeanne J'ai reçu tes deux lettres me confirmant la mauvaise nouvelle , une jeudi et l'autre ce matin, j'avais pensé t'écrire mais comme la factrice apporte et prend les lettres, j'ai mieux aimé attendre pour voir, hier ayant été sans courrier. J'ai reçu en même temps une d'Ernestine qui sait aussi mais parle de se renseigner qu'il peut être prisonnier et que l'on ne peut pas recevoir l'officiel, autant de choses que l'on dit mais, qui la plupart du temps n'empêche pas la réalité. C'est Emile Decorce qui a été atteint le 11 et je vois qu'ils sont bien trop nombreux. Voilà qu'il fait pas chaud, il gèle assez dur, voilà 3 dimanches que je passe ici, 3 dimanches depuis sa mort, c'est le premier que j'en suis avisé, mais je n'ai jamais sorti, c'est mon deuil. Je vois que pour vous la maison est triste, ça se comprend. Moi, le souvenir m'en suffit tandis que pour toi, tant de choses te rappellent son passage et son absence. Je suis aussi sensible que Madeleine partage tes peines. Mais pourtant, dans chaque épreuve de la vie, il ne faut pas se laisser décourager, la peine, la douleur nous reste et nous devons suivre le cours de notre vie qui n'en est pas allégé pour ça. Pour le poursuivre, il ne faut pas s'abattre plus que de raison. Nous ne sommes pas heureux, c'est certain, mais eux non plus ne l'ont pas été, c'est la triste vie, gardons le souvenir, le chagrin étouffera la douleur. J'ai écrit à (Fermé) pour voir si je pouvais savoir quelque-chose. Je t'embrasse et t'aime tendrement.René |
Le frère survivant à son épouse. Nouvel échange pour assurer de la transmission de l'information. La mère de papy-Louis qui a pourtant connu cela il y a 4 ans espère qu'il soit prisonnier puisque l'annonce officielle n'est pas arrivée mais René est plus objectif et sait bien que quand les nouvelles sont relayées par les camarades de front, elles sont justifiées... Son épouse en parlait dans une lettre précédente, il fait aussi partie des 8 du petit village qui seraient disparus au cours de cette attaque. René culpabilise de ne pas avoir vécu un deuil depuis le premier jour, et il vivra avec ce souvenir pénible jusqu'à son propre dernier jour. Il compatit pour son épouse qui vit dans l'univers commun et doit encore avoir plus présent à l'esprit l'absence. Le partage de la souffrance Quelles belles phrases ! Même si on peut se douter qu'il est moins optimiste ou fataliste que ce qu'il dit, ces mots d'encouragement pour son épouse sont merveilleux et touchants. Lui aussi continue ses recherches. |
Plessis Grammoire 26 A 18 Mon cher René J'ai reçu ta lettre hier soir en retour de Mazé, dimanche tonton Louis est venu me voir, pauvre tonton, il a du cœur pour nous, tu peux le remercier de la visite qu'il est venu me faire et d'une petite charretée de paille que j'ai été chercher hier profitant du jeudi pour voir Ernestine et le petit Louis qui est en retraite pour la confirmation le 30. Nous avons eu un petit moment pour se voir et pleurer ensemble et ça ne nous le ramène point car il est bien mort et non prisonnier. Turquai qui est marié avec Euphrasie Bellanger dit l'avoir vu tomber broyé et il dit le remplacer signaleur il y a une lettre chez son père qu'il serait facile à voir. Le père dit qu'il la montrerait bien à la famille. C'est bien pénible pour moi. Hier, c'est la distribution des cartes pour la (nourriture) et Madeleine m'a remplacée à la Mairie et notre part est de 300gr chacune et bien des femmes qui travaillent moins dur que moi en ont 400. Je suis colère et je vais voir à cela et plus tard il va falloir porter tous les billets de 50 et 100 à faire marquer mais la marque c'est pour les impôts, ils nous disent comme les Louis, ils n'auront plus de valeur, il faudra les porter à la mairie et ils sauront nos valeurs. Après, nous n'auront plus qu'à payer. J'en ai la tête perdue, travailler comme des martyrs et n'avoir rien à manger et payer sur nos bénéfices, perdre son monde, la vie est triste comme ton pauvre Joseph me disait à sa dernière, le plus beau est passé et il ne reste que de la misère, la guerre finie, encore la guerre, il n'y aura plus d'entente, les caractères seront mauvais... |
Jeanne à René Les lettres continuent 2 à trois fois par semaines dans les deux sens. Heureusement que le courrier était bien régulier pour conserver un minimum de moral. Les anciens aident quand ils le peuvent encore et le petit futur "Papy-Louis" devient donc le seul qui perpétuera la lignée. C'est donc l'espoir qu'on met en lui et c'est à travers lui que l'avenir est un peu moins sombre (on ne sait pas encore que lui fera la guerre suivante....) Mais cette lettre est celle qui apporte la confirmation, non officielle, mais définitive que Désiré est mort. Un camarade de combat l'a vu "tomber broyé" (on apprendra plus tard qu'il aura été pulvérisé par un obus. C'est trop pénible pour Jeanne d'aller lire ou se faire lire ces descriptions atroces. On peut imaginer que c'est René qui y est allé plus tard pour que ces précisions "d'obus" soient transmises à Papy-Louis. Comme si le manque et la disette ne suffisaient pas, il a fallu ces mesures qui apparemment relèvent plus de la propagande que de faits réels. Y aurait-il eu des encouragements pour renflouer les caisses de l'État en or, ce n'est pas impossible .... Que de pessimisme ! Comment pouvait-il en être autrement ? |
Mazé le 11 Mai 1918 Ma chère sœur, J'ai reçu ta lettre jeudi et tonton Louis étant venu à la messe est entré, je lui ai donc fait part de ta lettre et comme tu le dis, nous voyons en effet que malheureusement il n'y a plus aucun espoir puisque l'officiel t'est parvenu. C'est bien sûr très pénible ma chère sœur de recevoir une telle feuille et je sais que trop le mal que peut produire d'aussi tristes passages. La vie en ce moment est bien amère et qui sait ce que sera l'avenir ; mais ne nous laissons point aller à ces pensées désolantes et pourtant je t'assure que pour moi elles sont le plus souvent en mon esprit, aussi, je ne puis m'arrêter à songer sur les malheurs qui nous frappés, car il me semble que je ne serai point capable de les surmonter, il faut à tout prix que je chasse ces idées, mais malgré tout ne peux les oublier. Aurait-on jamais pensé voir tant de vies brisées par une effroyable guerre qui n'a point encore d'apparences de fin. Espérons cependant et peut-être qu'aussi René pourra venir d'ici peu, il me semble qu'une permission lui est due. J'ai reçu le lui voilà plusieurs jours, il me dit vouloir venir au pays et je n'en doute pas. Je crois qu'il ne tardera pas et ne lui ai point renvoyé de lettre, il serait préférable de s'embrasser et d'être ensemble quelques instants… … du lait pour remplacer le pain car ce doit être chez toi comme ici, la carte ou pas de pain, et encore guère, faut faire attention de ne pas piocher trop dur dans le morceau. Allons, je te quitte, t'embrassant de tout cœur et Louis n'oublie pas marraine, il lui envoie son meilleur baiser. Au revoir, Ernestine (pas page 1) |
La mère
de Papy-Louis à l'épouse du seul survivant (sa
belle-sœur) Si cette lettre de mai est dans la rubrique "Avril" c'est parce que "l'officiel" , à savoir le certificat de décès de Désiré , tombé le 6 avril, n'est arrivé que le 11 mai, soit plus d'un mois plus tard... Et encore, nulle n'est mention d'une quelconque inhumation ! (Cliquer sur
l'image pour voir la page spécifique)
Je pense, en lisant ces lignes à la blessure de ces veuves mais aussi à celle des futures pupilles de la Nation qui ont grandi dans cet esprit et avec ce manque. Plusieurs générations après, la blessure n'est pas refermée.... et pourtant d'autres conflits sont passés et d'autres sont en cours ! A part la fiches de "Mémoire de Hommes" et, pour les plus attachés à garder le souvenir, quelques médailles et leur certificat dans une armoire... (Cliquer sur l'image pour voir la page spécifique) (Cliquer sur l'image pour voir la page spécifique) La mère de Papy-Louis aussi tente de remonter le moral de sa belle-sœur mais tous savent bien qu'au fond d'eux-mêmes, la détresse est la même. Comme déjà mentionné, la génération qui pousse reste le seul espoir qui fait vivre .... |
Dernières marches, derniers combats, derniers instants : Nous avions laissé Désiré au 31 mars au cantonnement de Bonneuil-les-Eaux (déplacement important depuis Nancy pour faire face à l’"offensive du Printemps", également connue sous les noms de "bataille du Kaisera" (en allemand : Kaiserschlacht) ou "offensive de Ludendorff " et ainsi venir en aide au Anglais qui ont du mal malgré les renforts américains à contenir les troupes allemandes.
Comme on peut le voir sur cette photo satellite 2018, tout se joue dans un mouchoir de poche entre son point d'arrivée et le 6 avril
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... 2 avril 3 avril 4 avril 5 avril 6 avril |
Le régiment quitte Bonneuil-les-Eaux, départ par bataillons échelonnés de 7h30 à 8h30. Déplacement par voie de terre …. 6ème bataillon Tilloy-les-Conty, installation terminée à 12h45 Même situation, mêmes cantonnements. A midi, garde à vous d'alerte. Départ vers 15h sur la région Guyencourt – Ailly Cantonnements à l'arrivée …. 6ème Bton Berny sur Noye. Mouvement terminé le 5 avril à 2 heures. Pertes : 1 tué, 2 blessés. A 11 heures, le Régiment reçoit l'ordre d'attaque. En exécution de l'ordre général d'opérations du 5 avril de la 17ème D.I N°23 PC le 4ème Bataillon du 335ème RI, sous les ordres du Capitaine Reyx, Adjudant-Major ; Capitaine Parmentier, se porte à l'attaque de la Corne Sud du Bois Sénécat. Objectif éventuel : Castel flanquant en outre à gauche la contre-attaque de la 17è D.I. en direction générale de Moisel Moreuil. ….. A midi, le 6ème Bton quitte Berny-sur-Noye pour se rendre au bois de l'Arrière-Cour. Les 21è et 22è Cies prennent possession de la lisière Est de ce bois pour remplir une mission de flanquement pour l'attaque. La 23è Cie et 1SM sont installés à la lisière Ouest du bois 15M… à la Corne Est du Bois situé au Nord de la Cote 117. Dans cette situation le Bataillon est en liaison à droite avc les unités du 277è et 325è à gauche avec la une Cie du 90è. Pendant l'attaque, les lisières du bois de l'arrière Cour, le plateau à l'Ouest du Bois, le ravin Sud de Merville sont soumis à un bombardement assez intense qui fait subir au 6ème Bataillon des pertes assez sérieuses. Des patrouilles de reconnaissance lancées vers la Cote 85 sont arrêtées par des feux de mitrailleuses partant de Mailly et de la Cote 86 ... Pertes de la journée : Officiers .....tués 2, ...... blessés 3, Hommes de troupe tués 24 , blessés 149, disparus 11. Le Lieutenant-Colonel Commandant le Régiment fait paraître l'ordre du jour ci-après : « Le 5 avril, le 4è Bton a écrit à son tour une page glorieuse pour l'historique du régiment. Le combat au Bois Sénécat engagé et conduit avec un admirable mordant par nos camarades du 4è Bton sera désormais gravé dans toutes nos mémoires. Salut aux Morts, merci aux vivants dont nous sommes également fiers. Honneur à tous » ….. Avant le jour, le 6ème Bton relevé par des éléments du 90è et 325è RI va cantonner à Louvrechy qu'il est chargé de mettre en état de défense, à l'exception de la 23è Cie qui reste au bois de l'Arrière-Cour à la disposition de la 163 DI. .... mouvement sur les points .... 6è Bton sauf 22 et 23 Louvrechy .... Pertes 7 tués 11 blessés. |
Déjà un tué avant même l'attaque proprement dite... Lire le texte sur la page spécifique du Bois Sénécat lien sur vignette ci-dessus (Le Bois de l'Arrière-cour devait être similaire...) Ce devait être l'horreur une fois de plus, les obus qui pleuvaient, les entonnoirs qui se formaient tout autour, les projectiles à trajectoires plus horizontales qui devaient déchiqueter les arbre, du moins ce qu'il en restait... Et toutes les projections de terre, de boue et ... de chair humaine ! Soit Désiré a été tué en mettant Louvrechy en défense, soit, plus probablement il faisait partie de la 23 ème Cie (il dit, dans un courrier du début d'année avoir quitté la 22èCie) . I aurait donc succombé au Bois de l'Arrière-Cour. (à 1km près - voir carte) Le courrier ci-dessus confirme bien ce que Papy-Louis a transmis "il a été pulvérisé par un obus" |