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Émile   JOULAIN dit "l'Gâs Mile"

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Les Bœufs

Papy-Louis a écrit en 2010 : "Je vous remercie pour votre indulgence. J'aime beaucoup lire des textes d'Emile mais je ne me suis jamais exercé à la lecture à voix haute. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas si facile.
J'ai donc attendu de commencer ma 101ème année pour me lancer (un peu poussé par François, mon webmestre, je vous l'accorde, il vous le lira mieux que moi)"

 



Néanmoins, je ne pouvais pas partager avec vous sa propre lecture, difficile surtout aau début, mais, une fois lancé, et en particulier, en arrivant à la chute qu'il connaissait et qu'il se faisait une plaisir de dire, on retrouve sa diction normale et même un peu de rire dans ses mots, pour ceux qui l'ont connu.

Ce texte est un rimau typique, avec une chute drôle, la mise en scène de gens de la terre, leur naturel, sans honte ni tabou. Derrière cette "histoire" drôle, vous y trouverez toute la poésie d'Emile, les couleurs de la nature; toutes ces descriptions qui font que Proust y retrouverait sa madeleine.


J'ai tenté de faire un peu plus compréhensible mais ce n'est pas facile, il avait raison et curieusement je m'aperçois  que "j'accroche" là où lui avait eu des difficultés !

 



Vous allez trouver ci dessous le texte en patois et je vous mettrai dès que possible la version en français Regardez en particulier la partie concernant le pauvre valet qui n'avait pas été comblé par le Saint-Esprit, pour la Pentecôte.
LES BŒUFS

C’était, comm' dans la vieill' chanson,

La chanson d'Môssieu Pierr’ Dupont,

Deux grands bœufs qui sortaient d’l’étable,

Tout douc’ment, au pas d’précession.

I’s se r’ssembiaient, c’est pas créyab’e :

C’était si ben la mêm' façon

De s’déhancher, ben att'lés d'front,

Ovec des corn’s comm' cell's des yâb’es,

Ovec Ieûs bons groûs yeux ouvarts

Sus l’matin bleu et les prés varts ;

En ruminant dans Ieûs grouss’s tétes

On n'sait pas trop queu's songeri’s d’bétes,

I’s partaient, accoubiés sous l’joug,

Pour ermuer la bounn' terr' d’Anjou.

C'était comme dans la vieille chanson,
La chanson de Monsieur Pierre Dupont,
Deux grands bœufs qui sortaient de l'étable,
Tout doucement, au pas de procession.
Ils se ressemblaient, ce n'est pas croyable :
C'était si bien la même façon
De se déhancher, bien attelés de front,
Avec des cornes comme celles des diables,
Avec leurs bon gros yeux ouverts
Sur le matin bleu et les prés verts ;
En ruminant dans leurs grosses têtes
On ne sait pa trop quelle idée de bêtes,
Ils partaient, accouplés sous le joug,
Pour remuer la bonne terre d'Anjou?

On n’les voyait' jamais qu'ensemb'e ;

Et l’monde disait : « Comm' i's se r’ssembent,

Les deux grands bœufs à Maît' Leroux ! »

I’s l’taient point d’ein bianc tach'té d’roux.

Mais d’ein beau roux couleûr queu' d'vache,

Sans ein' seul' manqu’, sans ein' seul' tache,

Qu’ein’ petite étoél’ bianch' sûs l'front,

Si tell’ment pareils qu'leû’ patron

Enter’ieux s’y r’trouvait qu’à peine.

Don’, c’matin-là, les deux grands bœufs,

Tout roug's, comm' s’i’s portaient sûs ieux

L’soulé qui l’vait sûs la grand' plaine,

I’s marchaient, les deux grands bœufs roux,

En roulant leûs bons groûs yeux doux.

On ne les voyait jamais qu'ensemble ;
Et les gens disaient :" Comme ils se ressemblent,
Les deux grands bœufs à Maître Leroux ! "
Ils n'étaient pas d'un blanc tacheté de toux.
Mais d'un beau roux couleur queue de vache,
Sans un seul manque, sans une seule tache,
Qu'une petite étoile blanche sur le front,
Si identiques que leur patron
Entre-eux ne s'y retrouvait qu'à peine.
Donc, de matin-là, le deux grands bœufs,
Tout rouges, comme s'ils portaient sur eux
Le soleil qui levait sur la grande plaine,
Ils marchaient, les deux grands bœufs roux,
En roulant leurs bons gros yeux doux.

D’vant ieux, marchand à leû cadence,

T'nant son aiguillon comme ein' lance,

En subiant, l’gâs Pierre i' n'allait' ;

Devant eux, marchant à leur cadence,
Tenant son aiguillon comme une lance,
En sifflant, le gars Pierre s'en allait ;
La Pentecôte et le Saint-Esprit  : pauvre valet !

C’était l'biquard, l’troésiém’ vâlet’,

Pas pûs dégourdi qu'i’ n'fallait’ ;

Ben sûr pas moins r’nâré qu'ein aut’e,

Mais quant' mêm', - c’était point d'sa faute, -

L'Saint-Esprit, l'jour de la Pent’côte,

Il l'avait point, pour la râtion,

Gâté dans sa destribution.

C'était le vacher, le troisième domestique
Pas plus dégourdi qu'il ne fallait
Bien sûr pas moins rusé qu'un autre,
Mais, pour sa défense, ce n'était pas de sa faute.
Le Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte,
Ne l'avait pas particulièrement comblé,
Dans sa distribution de "lumière" (bon sens, intelligence)

V’la-t-i’ pas qu’pûs loin, sûs l'pâssage,

L`pér’ Leblanc, voéyant v’ni c't’attlage :

Le gâs, les deux bœufs et l'brabant,

I' fait' ein' paus', comm' c’est l’usage

Dans noût' pays ‘ et l’pér’ Leblanc

I’ dit' au gâs : « J’ai pourtant d'l'âge,

Mais j’ai' côr' point trouvé, mon vieux,

Deux bœufs qui se r’ssemb’nt comm' tes bœufs ! »

Là-d'ssus l’grand benêt i’ s’arrête,

I' lèv' sa casquett’, s'gratt’ Ia téte,

I’ réfléchit, i’ r’gard’ ses bétes,

Pis tout bonn’ment, i’ fait comm' ça :

«Oui, i’s se r’ssemh’nt ! .. Surtout c'ti-là ! ! ! »

Emile Joulain - Février 1946.

Ne voilà-t-il pas que plus loin sur le passage,
Le père LEblanc, voyant cet attelage, :
Le gars, les deux bœufs et le brabant (charrue),
Il faisait une pause, comme d'est l'usage
Dans notre pays, et le père Leblanc
Dit au gars : "J'ai pourtant de l'âge,
Mais je n'ai encore jamais trouvé, mon vieux,
Deux bœufs qui se ressemblent comme tes bœufs !"
A ce moment, le grand nigaud s'arrête,
Il lève sa casquette, se gratte la tête,
Il réfléchit, il regarde ses bêtes,
Puis, tout bonnement il  répond :
"Oui ils se ressemblent ! ;;; Surtout celui-là !!!'



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