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Souvenirs de Papy-Louis |
"Je ne sais pas si j'ai un souvenir vivant de celui qui aurait dû accompagner ma femme le jour de mon mariage, ou si les seuls souvenirs sont ceux qui se sont calqués, par la suite, sur les rares photos familiales que ma femme a conservées. Je passais tous les jours devant cette maison et ai certainement vu Narcisse lors de ses permissions.
D'autre
part,
lorsqu'il est décédé de la grippe
espagnole, son
corps a été rapporté en cercueil
plombé
pour
être inhumé au cimetière de la commune
dans le
caveau familial. Comment aurais-je pu ne pas entendre parler de ce
décès et de cette inhumation alors que dans cette
deuxième phase de développement de la maladie, on
commençait à redouter les cas de
contagion ?
Un an plus tôt, en 1917, j'avais
vu les Américains
passer
devant la maison de mon grand-père.
Ils étaient coiffés des grands chapeaux de
l'oncle Sam,
avec tous les véhicules et les troupes.
On ne parlait pas encore de la maladie, et c'est avec joie que nous
allions à la rencontre des libérateurs qui nous
offraient
du "chien-chien", à savoir du chewing-gum. D'autres
souvenirs
plus anciens, y compris d'avant la guerre m'habitent encore alors que
la menace d'une catastrophe par cette pandémie ne m'a pas
marquée sur le moment. J'ai essayé de trouver les
raisons
et crois pouvoir avancer deux hypothèses :
- la première hypothèse reposerait sur le fait
que
j'aurais, à l'époque pris conscience de la
gravité
de la situation et redoutais tellement perdre ma mère
après le décès de mon père
et de mon oncle
que j'aurais occulté cette peur, ce risque qui pesait sur
nous
tous.
- la deuxième serait expliquée par le fait que la
grippe
espagnole était peut-être plus
assimilée
à une maladie essentiellement contractée par les
militaires et de ce fait.. je ne risquais plus rien puisque la guerre
avait déjà emporté mon
père...
Dans les années qui ont suivi, à l'école, nous ne parlions que très peu de cette pandémie. Il était plus mis en avant le nombre de décès liés à la guerre qu'à la grippe espagnole, lorsqu'il était question de statistiques. Bien sûr, on a appris après, des décès de personnes célèbres telles que Apollinaire ou Edmond Rostand .... ou bien de personnes atteintes de la grippe espagnoles et guéries comme Maurice Genevoix.
Il a été dit que dans certaines écoles, un complément à l'hygiène traditionnelle était de rigueur en cette année 1918, et essentiellement un bon lavage des mains. J'étais dans une école où la discipline était de rigueur et les mesures à prendre ont dû être prises. En revanche, je ne me souviens pas que l'école ait fermé ses portes pour une longue durée (en effet, un écrit de ma tante Jeanne fait référence à l'école "fermée pour cause de grippe". Ces fermetures prolongées furent le cas dans certaines régions.
En revanche, je me souviens bien avoir porté des sachets de cristaux de camphre, bénéficié de frictions à l'alcool camphré et avoir fait des inhalations mais était-ce pour cette cause ou simplement lors des rhumes, je ne saurais le dire."
Papy-Louis
et moi avons rencontré et longuement
discuté avec Henri.R., un camarade
de la
"classe 1929", qui lui était à l'école
communale (Papy-Louis était au "pensionnat privé"
de
cette même commune). Il avait (ils sont désormais
partis
tous les deux)
quelques mois de
plus que lui et se souvenait très bien qu'à son
école, quelques enfants
avaient été malades mais qu'aucun cas mortel
n'avaient
été à déplorer. En revanche, il se rappellait également que dans la maison "derrière chez son oncle", un homme d'une quarantaine d'années en était décédé. Il était formel et se souvenait bien que les journaux (la double feuille quotidienne) en parlaient et que le monde entier était touché. "c'était une saleté de maladie" nous a-t-il dit. |
Une certaine fatalité semblait caractériser l'état d'esprit car malgré cette promiscuité, aucune forme de précaution (masque ou autre) n'était prise, sinon le lavage des mains à l'école.
Autres témoignages et informations :