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1939 1939 1940
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PERIODE
SUIVANTE
ALBUM
1940/1945
I - Le rappel du contingent Le rappel du contingent
II - Drôle de guerre Drôle du guerre
III - A l'amirauté A l'Amirauté
IV - De l'Angleterre au Maroc De l'Angleterre au Maroc
V - Correspondance aux Armées La correspondance aux armées
VI - VOUS Y ETES La démobilisation

Correspondance aux Armées  VI - 1940 -  La démobilisation de la Marine - Le rappel du contingent

  Fond musical : "Sous le ciel de Paris - Edith Piaf" Vous pouvez suspendre ou arrêter à l'aide des commandes à côté de la vignette de celle-ci, au milieu de la page.

JUILLET 1940 Camp de El-Hadjeb (Maroc)

Bien sûr, on ne sait pas quand et comment on va retrouver les siens; et, comme disait Joachim du Bellay :

"Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage ?"


Mais on sait à cet instant qu'on a beaucoup de chance par rapport à ceux qui sont prisonniers ou pire, plus de ce monde ...

Ce n'est que le 10 Août 1940 que nous apprenons que l'ordre collectif de démobilisation est signé depuis de 05 Août et que nous partons immédiatement. Inutile de dire que nous ne mettons pas beaucoup de temps à préparer notre paquetage. Chacun pense aux siens et s'imagine déjà rendu. Un car nous conduit à Mekhnès et là, un train direct mais néanmoins peu rapide (24 heures) nous conduit à Oran en passant par Fès et Oujda. 

Je continue à prendre quelques notes ==>

Trajet retour : Démobilisation

Oujda aperçue depuis le train.

Oran, la gare est au centre de la ville; nous descendons à pieds au port : la méditerranée : nous savons la France de l'autre côté. Nous avons, malgré l'appréhension, le cœur plus léger que ceux qui feront le même voyage vingt ans plus tard. Les années passent et  un conflit en chasse un autre. Le 11 au soir, nous embarquons sur un paquebot.

Nous longeons les côtes d'Espagne (une nuit et un jour). Après les poissons volants en Atlantique, les bancs de sardines à Casablanca, ce sont les dauphins qui nous accompagnent en méditerranée. Nous débarquons enfin à Marseille le 13 Août. 
Aussitôt, nous nous dirigeons vers la gare. Un train nous permet de rejoindre le dépôt des équipages sur les bords de la rade de Toulon.
Depuis la presqu'île du cap Sicié, on aperçoit la rade de Toulon et sur la vignette de droite, la ville et le Mont Faron.  
Seuls vestiges ou presque des murs de l'époque, la porte d'entrée de la base navale. A droite, les ferries ont remplacé les cuirassés et c'est tant mieux. 

La semaine qui suit est marquée par l'impatience : nous savons désormais que le retour est proche mais nous avons hâte de revoir les nôtres. Comment vont la famille, les amis, comment vit le village? Comment allons-nous être perçus par un retour si attendu, certes mais alors que tant d'autres n'ont pas cette chance; et puis, la guerre est toujours là et quelle sera l'issue ? Devrons-nous repartir ? La résistance est-elle organisée dans notre région? 

Le 15 Août, nous assistons à une messe et beaucoup de non-initiés ou habitués y vont également car sans doute, chacun y trouve selon sa foi, un moment pour remercier le ciel d'être vivant sur le sol de notre Patrie, un réconfort pour les jours à venir ou simplement un moment de réflexion.

Cette attente de la démobilisation est évidemment ponctuée de corvées, au dépôt des équipages. Nous effectuons certains travaux comme le déménagement des archives de la Marine dans les fortifications Vauban mais le soir, nous trouvant en zone libre, certaines sorties sont autorisées. Il aurait certainement été possible de prévoir un déplacement de la flotte entre cette date et le  27 novembre 1942 pour éviter le sabordage de la soixantaine de navires de la marine française mouillés dans la rade! 

1942_11_27_sabordage Il aurait certainement été possible de prévoir un déplacement de la flotte entre cette date et le  27 novembre 1942 pour éviter le sabordage de la soixantaine de navires de la marine française mouillés dans la rade!
VOIR LES PHOTOS DU SABORDAGE
1942_11_27_sabordage
Un soir, je profite d'une sortie  pour aller au cinéma et , à l'entracte ( cela se fait à cette époque ) une chanteuse vient devant le rideau. Je dois dire que je ne me souviens pas du film mais de la jeune chanteuse (6 ans de moins que moi)  Oui : il s'agit d' Edith Piaf ! La Môme Piaf, Le moineau (En fait son nom est Edith Gassion, fille de Louis-Alphonse Gassion, acrobate, et de Anita Maillard, chanteuse lyrique. Elle a déjà tourné un film, "La garçonne" et a pour compagnon du moment, le comédien Paul Meurisse qui joue avec elle une pièce qui fait un succès en 1940 : "Le bel indifférent". On pourrait penser que les artistes faisaient partie de ceux qui se donnaient du bon temps mais, Edith Piaf a su, elle, faire de l'humanitaire en même temps puisqu'elle faisait travailler donc protégeait des musiciens juifs.

Enfin, le jour de la signature du bulletin individuel de démobilisation (le 21 08) arrive et le lendemain, nous sortons en ville pour acheter des vêtements  civils afin de regagner nos foyers. Il nous faut porter un brassard afin d'être reconnu de la police allemande. Nous partons le soir, il fait chaud dans ce train qui remonte vers le nord, lentement d'ailleurs puisque nous arrivons pour apercevoir le pont d'Avignon au petit jour (12h Toulon - Avignon).  A Chalons sur Saône, nous découvrons le drapeau à croix gammée sur le mur de la gare et, pour la première fois, nous voyons la police allemande de près lors d'un contrôle dans le wagon. La validité de nos laissez-passer et de tous les documents réguliers se rapportant à notre démobilisation semblent contraster avec cette surveillance. Aussi, la grande joie qui nous envahissait depuis la veille s'en trouve estompée et la dure réalité de la guerre omniprésente revient à la surface. Il nous faut changer de train pour rejoindre Le Mans et non pas Tours car un pont sur La Loire détruit par les bombardements empêche le trafic ferroviaire. Nous apprendrons plus tard l'action du génie français pour empêcher les allemands de traverser ce fleuve.

C'est donc presque jour pour jour que je reviens au pays, le jour de ma fête, le 25 Août! C'est le seul moment de ma vie où j'ai porté le collier. Après les retrouvailles, j'ai malheureusement appris le décès des uns, le  départ des autres et la captivité de certains amis. Jusqu'à la libération du village, le temps s'est passé essentiellement consacré à l'entre aide dans le village en suivant les informations depuis Londres et en écoutant les bombardements des villes alentour. Hormis cette forme de résistance, je n'ai pas eu l'occasion de participer à des actions spectaculaires; il faut dire que, après ces pérégrinations, j'avais envie de protéger mes "quatre" femmes (mon épouse, sa mère, ma mère et ma grand-mère - le conflit précédent n'ayant pas épargné la gente masculine de nos deux familles) en plus des deux enfants qui sont arrivés pendant cette période. 
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