1940 1945 | ||||
I | - | Le retour au pays, la vie civile entre 1940 et 1945 | ||
II | - | Le rationnement | ||
III | - | Sabordage de la flotte à Toulon | ||
IV | - | La libération du village | ||
I - 1940 - Le retour au pays -
ou : la vie civile entre 1940 et 1945
Comme
Papy-Louis vous l'a expliqué dans le chapitre
précédent
, la
marine ayant été
démobilisée pendant son séjour au
Maroc, il est rentré dans son village le jour de sa
fête, un an, jour pour jour après sa mobilisation. Tout en essayant d'aider tous ceux qui souffraient plus qu'eux de l'occupation, sa première préoccupation a été de prendre soin de sa famille et de les soulager dans les travaux que les femmes avaient continués pendant son absence. |
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ma première pépinière |
Dès son arrivée, fin août 1940, il a repris les terrains que sa grand'mère et sa mère faisaient entretenir en attendant de meilleurs temps. Il y a fait, dans un premier temps, des cultures de la région : légumes, graines de fleurs et légumes; son intention , à terme, étant de transformer quelques parcelles en vergers. Pour cela, il lui a fallu réaliser une petite pépinière personnelle en plus de celle qu'il avait réalisée avant la guerre et que sa femme, improvisée arboricultrice, a entretenu pendant son absence. Cette nouvelle pépinière était constituée essentiellement de pommiers et de poiriers qu'il avait écussonnés. |
N'ayant pas assez de superficie d'un seul tenant, il ne pouvait pas envisager de prendre un cheval pour lequel il fallait réserver un hectare pour sa subsistance; il ne faut pas oublier qu'en pleine occupation, tout, ou presque, devait fonctionner en autonomie. Il faisait donc faire les labours et gros travaux de terre mais il a vite acheté un motoculteur d'occasion, pour devenir, lui-aussi autonome en attendant d'en acheter un neuf qui fut long à venir toujours pendant l'occupation... Pour les motoculteurs et tracteurs, ils avaient droit à de l'essence détaxée (toujours à l'aide bons, bien sur) d'après la nature des cultures et la surface cultivable. | |
la Loire gelée hiver 40 41 |
L'hiver 1940/41, de fortes gelées avaient duré longtemps et la Loire, fleuve de 400m de large à cet endroit, commençait à se prendre de glace. Ils étaient allés la voir à bicyclette et, disait-il : "la vue impressionnante et surréaliste des énormes glaçons défilant à vive allure au raz du parapet lui-même en haut de la digue appelée levée" les a fait rentrer rapidement. Ces gelées étant hivernales, elles n'avaient pas produit trop de dégâts dans nos arbres. |
Pour
les possesseurs de bicyclette,
lorsqu'un pneu devenait indispensable, il fallait pour s'en procurer un
neuf auprès du mécanicien, obtenir un bon de la
Mairie. La période de la guerre n'a pas pour autant fait baisser ou supprimer les taxes existantes; exemple la taxe pour circuler à vélo qui faisait l'objet d'une carte et son timbre fiscal (valant laissez-passer) ainsi que d'une plaque à apposer sur le cycle. Pour ce qui est des deux roues motorisés, il a été obligé de demander une "autorisation de circuler" pour sa Chimère bien que celle-ci ne nécessitait pas de carte grise ni de permis de conduire avant guerre. |
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Il
fallait donc faire preuve de
débrouillardise dans beaucoup de domaines et, être
à la campagne présentait de multiples avantages,
en particulier pour tout ce qui touchait à l'alimentation.
Aussi, il arrivait fréquemment qu'ils aidaient des citadins
à leur tour. Les matières premières
leur manquaient (farine, beurre, huile, sucre, etc. ); la charcuterie
était "réservée" à ceux qui
élevaient des porcs. Comme vous pouvez le constater sur les tickets de rationnement et sur le livret les accompagnant , cela a duré longtemps après la guerre, le temps nécessaire pour retrouver un certain équilibre économique. Toutefois, il était déjà "rodé" puisqu'il avait connu les restrictions de 1914 - 1918 où là, l'électricité et les pneus ne leur faisaient pas défaut, puisque pas encore dans leur quotidien, mais avec le pétrole qui les privait en particulier d'éclairage. |
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Pour la farine, il allait chercher du blé (en sac) chez un ami et portait ce sac chez un autre ami, minotier, qui moulait le blé pour lui donner la farine correspondante. Un jour, arrivant chez lui avec son blé et, voyant qu'il faisait l'objet de contrôle à ce moment précis, il a passé son chemin pour ne pas se faire sanctionner. A cette période, il ne savait pas encore que cet homme courageux qui a aidé tant de ses compatriotes deviendrait le beau-père d'un de ses fils pas encore né ! |
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Les pommes de terre étaient contingentées par les allemands mais ils arrivaient quand-même à leur en soustraire pour en fournir à leurs parents et amis qui venaient d'Angers et repartaient avec quelques kilos de cette précieuse denrée de Monsieur Parmentier. Ils prenaient eux-aussi des risques pour eux-même et pour Papy-Louis car se faire prendre sur le chemin du retour aurait entraîné enquêtes et représailles. Pour leur part, ils faisait le trajet par le train "Le petit Anjou" et, le temps de retour permettait largement tous les contrôles possibles... | |
ponts
de cé traversée de paris |
Les
points critiques pour les
contrôles étaient surtout les ponts, il se
souvenait du retour de son Oncle venant de
braver les gardes allemands et la police française en
renfort sur le pont Dumnacus. Il revenait du domicile d'un de ses
fermiers avec des barriques de vin et de la charcuterie, le tout pour
amis et famille. Une autre anecdote "de cochon" : il était allé dans un petit village avoisinant avec un camarade pour rapporter un demi cochon enveloppé et la moitié du sang de ce cochon pour faire les boudins à l'arrivée. Le trajet se faisait en fourgonnette et, en revenant, en pleine campagne, une roue a crevé. Évidemment, les pneumatiques étant rares et chers, il n'y avait pas de roue de secours; il a fallu aller à quelques centaines de mètres pour faire réparer la roue. Sur le chemin du retour, en rapportant la roue sur les lieux de l'immobilisation, ils ont croisé deux gendarmes encadrant une personne interpellée. Or, ils arrivaient juste à hauteur du fourgon. Leur sang (pas celui du cochon ) n'a fait qu'un tour ! ... Heureusement, très occupé avec leur prisonnier, il ont passé le fourgon sans demander à inspecter celui-ci. Pour ceux qui n'ont des restrictions que les images des films "la grande vadrouille" ou "la traversée de Paris", sachez que quelquefois, ils n'en étaient pas loin. |
Revenons
au travail, le motoculteur
commandé dès son retour est arrivé
à l'été 1943. Il s'agissait d'un
nouveau modèle avec six vitesses avant et trois vitesses
arrière mais un seul détail manquait à
la commande : les roues avec pneumatiques .... Il ne put réellement utiliser ses six vitesses sur route que lorsque les pneumatiques sont arrivés. |
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Il était donc équipé de "cornières" (roues métalliques avec des sortes d'aubes pour ne pas glisser sur la terre) . Il fallait y adapter en circonférence des bandes de roulement, métalliques également, pour aller sur la route sans détérioration. | |
Il a fallu construire une petite remise pour les carburants et lubrifiants de tous genres... | |
Et là, la société de consommation avec son lot de marques et ses publicités a vraiment commencé à fleurir ... | |
Cependant , ce lourd motoculteur ne permettait pas de "buter" (chausser) les plants de ma pépinière et j'ai donc, dans le même temps acquis un petit motoculteur à une "roue" qui d'ailleurs était comme pour l'autre, une cornière métallique. | |
gelées | Au printemps 1945, les gelées furent catastrophiques pour la végétation. Comme pour paralyser les soldats, 7 jours avant la signature de la victoire, au premier mai, une très forte gelée détruisit tout : légumes primeurs, fruitiers et vigne; ces dernières furent anéanties pour deux années à la suite de cette catastrophe. Je me souviens avoir vu les prunes noicir dans la journée du premier mai ! |