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-  MÉMOIRES DE GUERRE

DE LA 26ème COMPAGNIE DU 12ème ESCADRON DU TRAIN 

CONVOI AXILLAIRE 34 ( CVAX 34)  -
ANNEE 1915 - 1916 - ANNEE 1917

Boue, horreurs et moments de désespoirs. 

JANVIER

Le 3 au matin, nous partions de St Amand en passant par Coulvagny, Aulnay, Coulmier, La Chaussée, Francheville, Dampierre, Le Fresne, Coupéville, Moivre, Poix. Ce que j’ai vu d’intéressant dans ce trajet, c’est entre La Chaussée et Francheville, à la côte 181 ; les carrières à plâtre qui étaient exploitées par les Allemands avant la guerre. Il y a un tramway électrique en l’air.

Nous couchons à Poix le lendemain, en route pour Somme Bionne en passant par La Grande Romanie, Bellay, Auve, Orbéval, Valmy et Somme Bionne ; où l’on fut obligés de bivouaquer : c’était horrible, impossible de marcher sans s’enfoncer jusqu’aux genoux. Les chevaux et nous, on ne paraissait pas dans la boue, mais je n’avais vu rien dépasser en mortier ce que nous voyons. Des chevaux enlisés à ne pas pouvoir sortir, être obligés de les sortir avec des cordes, quelques-uns même y ont péri. Ce n’est pas possible de voir des hommes et des chevaux plus dégoûtants et malgré la misère, on riait les uns des autres. On passait la nuit dans des baraquements qui, cela va sans dire, étaient très humides.

LA BOUE

Le lendemain, nous partions pour aller à la côte 188 ; à la disposition du génie.

Le cantonnement n’était guère meilleur, la moitié des chevaux furent obligés de passer la nuit à la corde. Les hommes logèrent comme ils purent dans des cagnas, dans la terre. Il y avait un peu moins de boue qu’à Somme Bionne.

Le 6, répartition des voitures pour le travail, il fallait des détachements partout. Ainsi, ma section fut presque entièrement disloquée :

- 12 voitures et conducteurs            24 chevaux            St Jean

- 10 voitures et conducteurs            20 chevaux            St Mard

- 19 voitures et conducteurs            36 chevaux             à l’artillerie lourde

Il m’en restait 4 qui furent employés au ravitaillement de la compagnie.

La troisième section fournissait un détachement de 12 voitures à Wargemoulin Hurlus , 123ème  division, un autre détachement à Laval sur Tourbe, 126ème Division. La quatrième section fournissait 30 voitures à l’intendance et le reste de la compagnie fut mis à la dispositiondu Génie qui nous fit marcher.

Tous les jours, il fallait deux sous-officiers, un qui conduisait du matériel à la 126ème Division Beaussejour et l’autre à la 123ème Division Borne 16 entre Beaussejour et Massige. C’était très dur et dangereux. Très souvent les convois, qui étaient de 30 voitures environ étaient coupés, et les hommes, ne connaissant pas les environs, suivaient facilement d’autres convois dans d’autres directions, il fallait nager pour les retrouver et la nuit était écoulée, mais une fois qu’ils connaissaient le chemin, ce fut moins dur. Nous étions tout le temps dans une mare de boue, liquide, tout était de même niveau, la route et les fossés : les trous d’obus ne paraissaient pas. On tombait aussi bien dans un trou que sur une bosse, tout était au même niveau. Quand on arrivait, on était couvert de boue d’un bout à l’autre : c’était pitoyable.

ENTONNOIRS
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Les premiers Maréchaux des Logis qui y furent , ce fut Breuil et Botte. Etant les plus jeunes, Mareilland et moi, Mareilland la nuit et moi en plein jour, c’était plus dangereux mais plus attrayant car on voyait mieux le pays.

Ce n’était pas joli. Jusqu’à Wargemoulin, on voyait de la troupe par petit groupes, mais après, on ne voyait que quelques isolés qui travaillaient, quelques obus Boches qui arrivaient à droite ou à gauche, sur les buttes. Ils cherchaient nos batteries, mais celles-ci étaient bien dissimulées, à tel point que quelques-unes tiraient sur nous mais on ne voyait rien.

Le front de Minaucourt était particulièrement visé mais n’a jamais été démoli ; les arbres, en revanche, qui étaient à proximité étaient fauchés.

De grosses pièces de marine étaient installées, l’une à Minaucourt, l’autre à Wargemoulin, et convergeaient leurs tirs sur Chalerange qui était à 14 km de là : mais de tout cela , on ne voyait rien.

Le 10 janvier, Mareilland et moi, nous conduisions chacun un convoi, lorsque dans Minaucourt, nous fûmes arrêtés par des obus Boches qui rappliquaient sur le village. Un des obus était tombé en plein sur la route, au milieu du village : un convoi d’artillerie passait à ce moment, il y eut quelques morts et quelques blessés ; 4 chevaux tués et deux caissons éventrés. Nous étions à l’entrée du village. Nous attendîmes une heure environ et après le bombardement, on reprît le chemin jusqu’à destination. Ce n’était pas gai. La veille, il y avait eu une attaque et les collègues qui étaient avaient égarés beaucoup de leurs hommes.

FEVRIER A AVRIL

Cette vie devait durer jusqu’à la mi février. Après, le travail lâcha un peut, les sous-officiers y allaient un peu moins souvent. Cela reprît vers le 15 Mars et dura jusqu’au 19 avril. Il y eut encore relâche.

Pendant ce temps, suspension des permissions à deux fois différentes : soit à la fin de janvier et ensuite à cause de l’attaque de Verdun. Relève de nos hommes qui étaient détachés tous les 10 jours ; pour les sous-officiers, c’était un travail infernal.

En peu de jours, le matériel, les chevaux et les harnais furent en mauvais état, les ouvriers avaient beau réparer, ils n’avançaient pas assez. On avait beau le dire et le répéter à l’officier, qui commandait la compagnie, il n’en tenait pas compte et ne devait se rendre à la réalité que plus tard, mais tout le monde en souffrait.

Au mois de mars, les chevaux se reprirent un peu, mais pour le matériel, ce fut le contraire, aux premières chaleurs : ça dégringolait partout à tel point que sur tout ce qui nous restait à la compagnie, nous ne pouvions plus faire atteler que 20 voitures et encore qui avaient besoin de réparations.

Il y avait de quoi s’ennuyer, on ne voyait aucun civil.

Un soir, un fait méritant se produisit : je sortais du mess ou plutôt de la popote des sous-officiers lorsque je fus frappé par l’apparition de plusieurs projecteurs ; on en voyait bien tous les soirs, mais pas si nombreux et puis ceux-là semblaient s’orienter vers le même endroit et croisaient sans cesse leurs feux. Dans ce croisement, je vis une forme allongée qui avançait du Nord ouest sur le sud est. Je n’eus aucun doute, c’était un zeppelin. Tout le monde connaît son histoire : il fut abattu à Révigny et je vis sa chute au milieu des flammes. De toutes les poitrines,  ce ne fut qu’un cri de joie.

Le 29 Avril, je partais en permission de 10 jours, c’était mérité, je crois.

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MAI

A mon retour, le 15ème corps était déplacé et partit à l’arrière vers Vitry le François, il fut remplacé par le 17ème corps.


Le travail fut moins dur qu’avec le 19ème et puis nous n’avions pas plus de boue, on pouvait passer partout.

Le 12 mai, on nous dit que nous devions partir sous peu et nous tenir prêt vers le 17. Ce n’était pas une petite affaire : partir avec le matériel dans un état pareil, les vivres de 4 jours pour les hommes et les chevaux, les charrettes étaient cassées et les harnais à ne plus pouvoir les mettre sur les chevaux. Là pourtant, le Commandant s’en aperçut et fut obligé de croire  ce qu’on lui disait quelques temps avant.

On nous vit en si mauvais état que par téléphone, on nous demandait si nous étions capables d’emmener notre fourbis jusqu’à la gare de Valmy et combien il nous fallait de temps pour appeler nos poilus qui étaient détachés. Il nous fallait deux jours. Tenez-vous prêts à partir au 17 mai, nous disait-on.

A partir de ce moment, plus de travail ; organisation pour emmener le matériel, ce n’était pas une petite affaire ; le génie qui était parti quelques jours avant nous avait laissé du matériel détérioré et il nous fallait l’emmener.

Le 14 était un Dimanche, je passais ma section en revue. Il fallut attacher les harnais avec des fils de fer et des cordes. A propos de fil de fer, il ne nous manquait pas, c’était mon affaire, je savais m’en servir. Je fis fabriquer 120 mètres de câbles pour attacher nos chevaux car nous n’étions pas sur d’aller toujours avec du Génie. Le 15, je renvoyais un brigadier chercher tous les hommes que j’avais de détachés à ma section. Le 16, le 17, le 18 se passèrent sans incidents.

Le 19 , nous partions (le 1er train) à une heure du soir pour embarquer à Valmy. L’embarquement s’est effectué dans de bonnes conditions et le 20 à 3 heurs du matin, nous étions à Maux. Halte repas à 5h 30 , nous passions Paris, à 7h30 à Creil et Ailly sur Noye à 9h 15. Débarquement et à 11h nous étions cantonnés.

Les autres trains se succédaient de 5 heures en 5h . Le 3° brûle la gare et dépasse Amiens, a été obligé de faire demi-tour. Le 5° fût tamponné à Noisy le Sec (Paris) pas de victimes, seulement quelques dégâts matériels ; est arrivé avec 5hde retard.

Ailly est un très joli endroit, propre, de belles rues, grande ligne du nord et la rivière. Pays d’élevage, des prairies immenses, de très beaux arbres et de jolies céréales.

Les 20, 21 et 22 se passèrent sans incidents.

Le 23 , commencement du travail et visite du commandant du groupement,promenade des chevaux.

Le 24 à 9 heures du soir, nous recevions par téléphone l’ordre d’expédier 140 voitures le lendemain (quatre détachements pour l’artillerie lourde de chacun 10 voitures et les 100 autres voitures pour le service forestier). C’était au dessus de nos forces ; le Lieutenant colonel répond qu’il pourrait en fournir 100 mais non 140. Le lendemain matin, 29 , à la première heure, nous avions le résultat : on nous supprimait les détachements d’artillerie et dans la journée, il fallait former le détachement des 100 voitures qui devaient partir la journée même.

Les quatre chefs de section firent un effort presque surhumain pour organiser chacun 29 voitures. Nous étions en si piteux état, on s’attendait à avoir quatre jours de répit pour mettre un peu d’ordre, mais rien. Les hommes y mirent de la bonne volonté et tout était prêt à l’heure.

Ces 100 voitures devaient former 3 détachements : le 1er de 90 voitures commandé par l’adjudant Beneteaux et Mazé, le 2°, composé de trente voiture et commandé Laberie, le 3° de 20 voitures commandé par Breuil et était dirigé dans l’Oise.

Les malheureux chefs de sections restaient là comme des bêtes à tout faire car notre travail allait être très dur pour reformer ce débris qui restait.


Les 26, 27 et 28 Mai rien d’anormal. Le matin , promenade des chevaux et pâturage, le soir, pansage et abreuvoir mais il fallait faire cela avec 5 ou 6 hommes car nous avions des évacués, des permissionnaires et des malades mais les chevaux de ces hommes restaient là.

Le 30, départ de quatre hommes de plus pour Sézanne, dans la Marne à une autre compagnie qui se formait ; ces hommes partaient mais les chevaux restaient. Abandon des promenades après le service commandé, il me restait un homme pour 32 chevaux.

Les 31 Mai , 1 et 2, 3 ,4 juin, rien à signaler qu’une promenade à cheval dans les environs sur la route de Moreuil.

 
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ABRIS DE FORTUNE

JUIN

Là, à cette date, vint une chose à remarquer : depuis quelques jours, nous touchions à l’ordinaire de la viande d’abats. Jusque là , la viande d’abats, c'est-à-dire la tête, le ventre, le foie, la rate, la langue etc était jetée dans une fosse aux abattoirs, c’était du gaspillage. Ainsi, j’ai vu à Elise, près de Braux St Rémy à l’abattoir, conduire ces abats avec des tombereaux jusqu’à l’endroit où on les enterrait, je trouvais cela absurde, aujourd’hui , on les mange ; si on l’avait fait depuis le début, cela aurait économisé bien des bœufs . J’ai vu plus fort : les civils allaient en chercher, on leur en donnait, les bouchers civils, trouvant que cela leur faisait tort, se sont plaints : ces plaintes n’ont pas produit leurs effets partout mais en certains endroits, ces abats furent refusés à la population ; le 8 juin, je reçois l’ordre, par le Commandant des étapes de sortir mes chevaux de l’écurie Sellier. Incompétence des officiers qui se laissent faire plutôt que de se déplacer. On met des chevaux dehors par un mauvais temps pour mettre 4 ou 5 barriques de vin à l’abri . L’auteur était un célèbre réformé du midi qui , voyant qu’il y avait des milles à gagner s’était installé marchand de vin dans l’endroit. C’était des choses honteuses car ils faisaient  légion sur le front, ceux qui étaient plus malades que ce flibustier et si j’avais été le commandant, je l’aurais dressé.

Chose bizarre, un détachement d’une compagnie du 14ème régiment du train était à côté de nous, il y avait un mois qu’ils étaient dans l’endroit, ils n’avaient presque pas de chevaux ni de voitures mais beaucoup d’hommes qui ne faisaient rien. C’étaient des territoriaux, 21. Pendant notre séjour à Somme Bionne, nous avions la visite des boches toutes les fois que le temps le permettait. Ils nous faisaient tomber leurs bombes mais heureusement, ils ne firent pas de mal ni  aux hommes ni à aucun matériels. Un jour, un aviateur boche lâcha près du but une bombe. Sa première tomba auprès de la voie ferrée, la deuxième enjamba le cantonnement et la troisième un peu plus loin. Une autre fois, tout le ravitaillement était à la gare, il jeta une bomme, une seule , c’était assez rare car généralement ils en lançaient trois. Un peu plus il atteignait son but, la bombe tomba à 8 mètres de la voie ferrée et coucha tous les fils télégraphiques qui se trouvaient sur le côté de cette voie. 20 mètres plus au nord, elle tombait sur le ravitaillement.

Une autre fois, le jour où je partais en permissions, trois furent lancées sur le poste des  GVC qui se trouvait à côté de nous. Le lendemain, mais je filais dans la direction de la Charente, trois furent lancées sur notre cantonnement et elles tombaient en plein sans toucher personne, juste un mulet de blessé à la gorge ; l’écurie que mes chevaux occupaient fut criblée de projectiles et d’éclats, c’était vers 4h 45 ; si cela avait été vers 8h, au moment du pansage, il y aurait eu du mal. C’était presque tout le temps le matin, qu’ils venaient faire leurs exploits.

Je ne parle pas de ceux qui tombaient aux environs tels qu’à Hans, à Somme Bionne, à Somme Tourbe, Valmy etc..

14 Juin : ordre d’avancer les horloges et les montres d’une heure : motif économie de lumière. Voilà bien une fois de plus un esprit de nous gouvernants qui n’avaient pas trouvé d’autre solution pour économiser de la lumière que d’avancer les pendules d’une heure (OH ! jolie).

Stupidité, bêtise humaine . Faut-il payer 15 000 francs des nullités pareilles pour obtenir un résultat semblable. Autre fait :

La haute paye à un Monsieur, qui dans un moment d’étourderie, parce que ses parents lui font des reproches pour une amourette ou bien pour choisir son régiment, s’est engagé pour 4 ans, constitue encore là une des choses les plus ignobles que nos voleurs de députés aient pu faire. Les officiers touchent des sommes énormes à un tel point que malgré leurs dépenses folles, ne Pouvant tout dépenser , en renvoient à leur femme, qui 99 sur 100 n’en ont pas besoin pendant que le malheureux poilu a sa famille dans la misère. ( je veux parler des familles de petits propriétaires ou petits patrons, car les femmes des ouvriers qui touchent l’allocation , ne paraissent pas languir).

Tout cela représente des choses ignobles et sont les œuvres de nos gouvernants.

A cette date, préparation d’un grand parc d’artillerie à côté de notre cantonnement. Le 20 Juin, commencement de la confection des grenades par des femmes. Le 21, départ de 4 détachements pourle service des routes : destination de ces détachements : La Motte en Santerre, Proyart, Méricourt et Froissy. C’était le front.

Restaient à la compagnie, les chef de sections (4h, 29 chevaux et des charettes cassées). Suppression des permissions jusqu’à nouvel ordre.

APPROVISIONNEMENT EN MUNITIONS (75)

On n’en sait rien, mais à voir le mouvement qui se fait, en trains, en convois automobiles ou voitures ambulances, on doit préparer une offensive. Des pièces à longue portée, passent sur des trains blindés et maquillés, partout dans les champs, à 8 ou 10 km , on voit des dépôts de munitions de 2 ou 3 km de long, recouverts avec des bâches ; des champs d’aviation partout : préparatifs terribles.

Le 29 , nous recevions l’ordre de partir le 31 à la première heure et le 31 à 11 heures, nous étions à Harbonnières (80).

La première section fut détachée de la partie centrale et vint bivouaquer à proximité de Wiencourt dans un bois ; il n’était pas bien grand, mais bien fourni, beaucoup d’unités étaient logées dedans. Il y avait au moins 3000 chevaux, nous couchions sous les bâches ou les toiles de tentes, le travail était très dur et dangereux.

 
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JUILLET

La nuit du 3 au 4 me fut très pénible. Il me fut impossible de trouver la batterie de 75 que je devais ravitailler. J’avais 42 charrettes sous mon commandement et je dus après une nuit de travail extraordinaire sans cesse au trot et même au galop à chercher de droite et de gauche, retourner le matériel que j’avais emmené : 3300 obus. Au cours de cette nuit, j’eus un homme blessé, 4 chevaux tués et un autre blessé presque mortellement en 4 ou 5 endroits. Les éclats d’obus meurtriers, avaient traversé des caisses d’obus de 75 de part en part. Si ils avaient été amorcés, ç’aurait été terrible. Je fis 14h de temps à cheval.

LES MEILLEURES ROUTES DE JOUR...

Le 6 arrivée du Capitaine qui venait   commandement de la compagnie. Il ne me fit pas très bonne impression au début.

Le 6 au soir, je fus commandé de service et le lendemain à 6h du matin , j’étais encore sous les murs de Fay, à une batterie de 75 du 11ème ; trois jours avant , les allemands y étaient encore. Ce n’était pas beau à voir, les tranchées bouleversées, les bois fauchés comme des prés , le village détruit.

Le 13, je fus commandé avec 24 voitures, dépôt C1 Herbonnières, transport de grenades et de cartouches pour le ravin des cuisines. Toutes ces corvées étaient des corvées atroces ; c’était ignoble de la façon dont tous les ordres étaient donnés, on passait des nuits entières. Il nous est arrivé d’être 16h de temps attelés. Les convois trop forts, chargés en plusieurs endroits, pas de corvée pour charger, jamais de convoyeur pour vous conduire dans des endroits que l’on ne connaît pas et la nuit, on ne voyait jamais d’officiers, ou très rarement, que des sous-officiers et des hommes.

Les officiers qui donnaient les ordres n’y connaissaient rien du tout car ils ne se rendaient pas compte du matériel de réquisition que nous avions et nous faisaient transporter des explosifs dans nos carrioles, comme si nous avions eu du matériel réglementaire et quand on pouvait faire avec vingt voitures, ils en commandaient 30 et d’autres fois où il nous en aurait fallu 30 , ils en commandaient 20. C’était honteux ; ainsi une fois, le Lieutenant Hubert fut désigné avec 75 voitures pour Marcelcave (80) et il mit tout ce qu’il avait mission d’emmener sur 31 voitures et il y en avait par conséquent 44 de reste : voilà la force de certains qui nous commandaient. Les CVAD qui sont jeunes sont à l’arrière et les CVAX qui sont territoriaux sont en premières lignes : c’est ignoble, surtout que ces unités jeunes sont bien outillées pendant que nous, nous ressemblons à des bohémiens . Le 15 juillet , 4 jours d’arrêt par le sous-Lieutenant Hubert qui fut relevé le soir même. Confirmation par les jours suivants du mauvais commandement à qui nous avions à faire , c’était de plus en plus stupide…

La portion centrale était  logée à proximité des Barraquettes, pendant quelques jours, ils ne furent pas trop dérangés par les bombardements mais à partir du 12 juillet, ils furent presque toutes les nuits bombardés : c’était intenable.

La nuit du 24 au 25 , un des mes brigadiers y fut Marmité, un de ses hommes y fut blessé, ainsi qu’un cheval, un autre attelage fut perdu avec sa charrette et  son chargement de munitions. Cela devenait de plus en plus mauvais.

ENTONNOIR

Si cela devenait de plus en plus dangereux, les services étaient moins nombreux. A ce moment, nous eûmes, le passage d’un Capitaine qui partit aussitôt que le Lieutenant Aslard fut nommé Capitaine.

 
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AOÛT

Le 11 Août, nous quittions le bois des Pierrettes pour aller au ravin de Morcourt, au service du Génie.

Là , je logeais dans un abri qui avait été fait pour couvrir l’artillerie au moment de l’attaque, mais il y avait beaucoup d’humidité et je dus construire une guitoune à la surface du sol. En ce moment, j’eus mal  au yeux et les docteurs voulurent m’évacuer mais sur mon insistance, ils me soignèrent à la compagnie. De temps en temps, j’allais voir l’oculiste qui était à l’ambulance à Herbonnières et le Docteur du bois de Pierrette me soignait : ce fut l’affaire d’une huitaine de jours et si je m’étais fait évacué, après ma guérison j’aurais probablement été changé d’unité et de ce fait quitté tous mes camarades.

Du 11 au 17, période assez calme dans notre secteur, mais le 17 au soir, les boches commencèrent à bombarder la gare de « La Flaque » et toute la nuit et le 18 jusqu’à midi, les obus se succédaient sans interruption. C’était à 1500 m de nous : à trois heures de l’après midi , la gare brûlait. Le 19 , remise de décorations aux vaillants de la compagnie : ils étaient au nombre de 5 dont 4 de ma section .

Jusqu’au 29, travail comme à l’habitude, au ravin des Cuisines ou à Fay.

Le 29, j’étais de service, départ 4 heures, il faisait noir comme dans un four, pas de lune et le temps couvert car il avait commencé à pleuvoir. Chute dans l’entée d’un abri à côté de ma guitoune : réveil de l’entorse au genou droit.

L 'HORIZON EN FLAMMES

Commencement du bombardement pour une nouvelle attaque dans le secteur de Soyécourt (80) ; à deux reprises dans la journée, je fus spectateur du bombardement étant sur le plateau au nord ouest du ravin des cuisines. D’habitude, les boches bombardaient ce plateau dès qu’ils voyaient deux voitures ensemble, mais cette journée, il n’y avait pas le temps. Le bombardement était si violent que sur 15 ou 20 kilomètres, l’horizon était transformé en volcan. Des colonnes de fumées blanches, jaunes, noires montaient vers le ciel, si épaisses que deux saucisses boches qui étaient montées disparaissaient parfois derrière les nuages de fumée et elles étaient ce jour-là à environ 1200 m de hauteur. Par là, on peut juger si à ras de terre, la fumée était épaisse. Le soir, un orage épouvantable : de l’eau en masse et toute la journée du lendemain fut une journée de février.

L’attaque qui devait se faire fut remise. Quatre jours après, on recommençait.

 
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SEPTEMBRE

Le 4 au matin, six heures, je partais avec 15 voitures, un brigadier pour C4, mission spéciale : disposition d’un Lieutenant de Génie avec ordre d’emporter pour les hommes et les chevaux, des vivres pour trois jours. Ce n’est pas le rêve. Je rentrai au cantonnement 48 heures après. Le 4 dans l’après midi, un homme de ma section fut tué avec ses deux chevaux au ravin des Cuisines.

RAVIN

Le 5 septembre au soir à partir de 4 heures, un fort dépôt de munitions sautait à 700 ou 800 m de nous. Intersection des routes de Amiens/Estrées – Proyart/Harbonnières. Les explosions se succédaient sans interruption et cela pendant toute la soirée et une grande partie de la nuit. Les 6 et 7 , tout le temps le mamittage.

Le 17 septembre, arrivée d’un sous-officier appelé « Martigny » pour remplacer Botte qui était réserviste.

A la fin du mois, transformation des détachements de Morcourt qui restaient en même place avec 65 voitures, 150 chevaux ; on comptait les chevaux de selle, et environ 80 hommes et brigadiers et un officier.

Construction d’écuries, l’hiver arrivait. Au fur et à mesure que l’on repoussait les boches, nous avancions le dépôt de munitions et de matériels qui devait tout le temps être le plus près des premières lignes : 1km environ. C’était de plus en plus dangereux.

 
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OCTOBRE

Le 19    8bre (octobre) , un homme grièvement blessé, ses chevaux tués, l’homme est mort le lendemain. Le 20 octobre, un autre aussi mal « atigé » et un cheval tué sans compter les charrettes cassées, broyées. Toutes les nuits, les hommes versaient une ou deux fois, on ne roulait que dans les fondrières faites par des trous d’obus. La grande route d’Amiens Estrées Peronne à partir de Foucaucourt en Santerre était disparue, les arbres de chaque côté, qui étaient gros comme des barriques avant la guerre, étaient disparus également. On ne voyait même pas de débris : je ne sais pas où ils étaient passés.

A partir du 12 octobre, on ravitaillait Herbécourt mais il ne fallait pas y aller , que la nuit. Le jour on faisait des routes et des pistes entre Foucaucourt et Herbécourt.

Parti en permission le 31 octobre.

 

NOVEMBRE

AEROPLANES

Retour le 19 novembre. Pendant ce temps, les avions boches venaient nous rendre visite toutes les fois que la nuit était claire. Ils firent sauter un fort dépôt de munitions à Cérisous y et à la gare de Longand. Nous fûmes arrêtés à plusieurs reprises pour ne pas être bombardés en revenant de permission.

Le 10 , dans l’après midi, Guynemer abattit un avion boche auprès de notre cantonnement.

5 ou 6 jours après, je rentrais à la caserne, mettre un peu d’ordre au dépôt de ma section qui était privée de gradé depuis quelques semaines. Le 22 , nous quittions le bois Pierrette pour occuper le camp 101 (sale bivouac) Il fallait doubler les attelages pour sortir les voitures. Le 26, visite du Colonel. Réception burlesque de la part du Capitaine. Toujours pagaille infernale.

Le 28 novembre, je retournais à mon détachement au ravin de Morcourt. Cinq gros obus tombés à proximité de bivouac. Fatigue générale des chevaux, surveillance générale des convois pour les sous officiers, nuit noire. Charrettes versées et chevaux restés dans les trous d’obus : voilà quelle était la vie.

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Le 30, rencontre de mon frère à Cappy .

RETROUVAILLES
 
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DECEMBRE 

Le 5 décembre, j’allais lui faire une autre visite, le 18 une troisième.

Le 20 à 10 heures du soir, nous recevions l’ordre de rejoindre la PC et le 25 à 7 h du matin, nous partions pour Remiencourt près d’Ailly sur Noye où nous avions passé un soir de juin. Le lendemain, nous partions pour Conty. Arrivé à Conty, dans un cantonnement aussi sale que sur le front. Nos hommes et les chevaux étaient à la belle étoile pendant qu’à 6 km des lignes , on avait des écuries et des baraquements à 5 km. On était dehors fin décembre et cependant, Conty est un chef lieu de canton et cela prouvait une fois de plus l’incurie du commandement.


Le travail était en rapport avec l’élément que nous étions. On débarrassait les gares et si nos chevaux et nos hommes avaient eu des granges il n’y aurait pas eu à se plaindre. Les sous-officiers couchaient comme les hommes dans des charrettes ou par terre sous une bâche. Mais personne ne disait rien. On n’entendait pas le canon. C’est que pendant 6 mois, nous n’avions pas lâché Fay , Estrées Deniécourt, « Bovent », au fur et à mesure que nous repoussions les boches.

Voici comment se passèrent nos fêtes de Noël.

La nuit du 29 au 30, je la passais à la gare de Conty avec quatre collègues ; nous avions 80 voitures, il pleuvait.

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ANNEE 1915 - 1916 - ANNEE 1917

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