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Depuis
le
débarquement en Normandie, c'est à dire depuis
deux mois, la ville
d'Angers faisait l'objet de bombardements diurnes et nocturnes.
La
presse censurée ne permettait pas d'être tenu au
courant
précisément des avancées, ils se
demandaient bien si les alliés
allaient un jour arriver jusqu'à eux. C'est le 10
Août 1944 que les
troupes de Patton ont réussi à passer et
à délivrer la ville du joug
Allemand. Aussitôt après, les
américains sont arrivés dans notre
village. En effet, au départ d'Angers, après une
nuit de combats dans
la ville et en particulier dans la "Doutre", deux directions sont
suivies par les alliés : la route de Paris et les bords de
Loire. |
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Heureusement, un
pont subsiste
tout près d'Angers, le pont de PRUNIERS,
appelé
désormais "pont de la Libération"
(c'était
le point de passage du train d'une des lignes du "Petit Anjou", bien
connu des habitants du Maine et Loire).
Le pont est déjà miné mais la
charge n'a pas
encore été activée. Deux
résistants
français,
Pierre-Yves LABBE et Louis BORDIER, portent cette information aux
troupes américaines alors à Saint Jean
de Linières.
Ils les guident et, les charges sont
neutralisées; les
Américains arrivent ainsi à franchir la
rivière Maine,
le 08 août.
Malgré un combat sévère au sud
d'Angers, le
bombardement probablement inévitable et massif de la ville
fut
évité et la ville fut
libérée le 10
août 1944.
En mémoire des 108 soldats américains qui
donnèrent leur vie pour la libération d'Angers,
un
monument a été érigé en
sortie de pont,
côté Angers.
Et, sur l'esplanade en entrée de pont, deux
stèles et une plaque immortalisent ces actes de bravoure. |
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Les combats sont violents et font partir les Allemands
d'Angers-sud par le chemin du Hutreau. Les impacts de balles sont
encore visibles sur certaines façades auprès du
château d'eau, en haut de la rue Mauriac.
En effet, La Gestapo avait réquisitionné
le
château du Hutreau pendant le conflit... Triste souvenir pour
ceux qui y sont passés. |
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Papy-Louis
se souvenait très bien de la première
Jeep qui est passée devant leur maison et des
riverains
qui se sont précipités, comme eux, sur la place
pour y découvrir tous
les véhicules militaires arrivés par les autres
routes. Certains
habitants du village appartenaient aux F.F.I, ils
organisèrent
rapidement un appel aux hommes présents, dont
Papy-Louis faisait
partie, afin
de parcourir la commune et éventuellement faire prisonniers
les
Allemands qui n'auraient pas fui. Quelques-uns furent
emmenés à Angers
sans représailles locales. Ces mêmes forces nous
ont demandé
d'organiser une " permanence " de nuit afin de pouvoir parer
à toute
éventualité. Ils avaient dormi dans la
salle des
fêtes sur les
couvertures quils leur avaient apportées et aucun trouble ne
nécessita leur intervention. |
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Un
cousin par alliance
avait confectionné, avec l'aide de sa mère et
quelques "couturières" un
mannequin du dictateur qui a été
transporté dans tout le bourg pour
rassembler la population sur la place. |
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Le
mannequin a été amené sur la place
afin d'y
être
brûlé. Enfin exécuter le
bourreau... Ils ne pouvaient pas établir de
parallèle
avec les atrocités des
camps puisqu'à cette époque les tristes
crémations n'étaient pas encore
connues de la population. Il s'agissait simplement d'un besoin, comme
pour se protéger des sorcières au
moyen-âge, de conjurer les esprits
malfaisants responsables des années passées.
Le fils
aîné de Papy-Louis, âgé de
trois ans, qu'il portait sur ses épaules, se souvient de
l'odeur de
caoutchouc (inconnue ou presque à cette époque)
s'échappant des bottes
qui avaient été mises aux pieds du mannequin et
qui brûlaient en
dégageant une fumée noire
caractéristique. Cause de la période de
restrictions :
Papy-Louis se souvenait d'ailleurs que lorsqu'ils
étaient
rentrés
à la maison et qu'il avait
relaté ces évènements à sa
femme, sa mère et sa grand-mère, son
épouse avait dit : "j'espère qu'il ont
utilisé une paire de
bottes usagées". Comme quoi, rationnement et restrictions
ont marqué
ces générations même si cela n'avait
rien
à voir avec les souffrances
endurées par ceux qui manquaient de tout! |
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Si
ces démonstrations
avaient rassemblé un grand nombre de personnes, il
s'agissait d' une
majorité d'hommes et d' une minorité d'enfants.
Une autre forme de
manifestation a eu lieu, un char a été
réalisé et, femmes et enfants en
liesse ont défilé à travers le bourg,
après rassemblement sur la place,
derrière un véhicule décoré
de nombreuses gerbes de fleurs dont
certaines en forme de croix de Lorraine |

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(Origine
: vers
1350, croix à double
croisillon des
ducs d'Anjou, représentant
un
reliquaire contenant une parcelle de la vraie croix, conservé
à
Baugé; puis, devenue croix de Lorraine en
1473.
En juillet 1940, c'est sur la suggestion de l'Amiral Muselier,
d'origine Lorraine, qui rallia le général de
Gaulle et qui fut
nommé commandant des forces navales et aériennes
françaises libres,
après approbation du général, que le
signe distinctif de la Marine fut
adopté. Il sera celui de toute la France libre par la suite). |
Comme
à chaque fois qu'il y a
mouvement de foule, il y a des excès. Il a fallu "calmer"
certains
esprits prêts à faire justice, en particulier par
rapport aux femmes
ayant eu des "relations avec l'ennemi". Cet épisode n'est
pas glorieux
car bien souvent, et ce fut le cas dans la commune voisine, un amalgame
est fait entre sentiments et traîtrise... ils n'avaient pas
eu,
contrairement à beaucoup de villes, à compter de
femmes tondues ou
"barbouillées" de peinture et d'inscriptions. En revanche,
d'autres
évènements à conséquences
non moins tragiques furent à dénombrer : Il m'en
avait relaté un en reprenant le récit d'un ami
prêtre. Suite à la loi de
Vichy du 16 Novembre 1940, le Conseil Municipal ayant
été révoqué par
le Préfet ROUSSILLON, on vint demander au frère
du prêtre d'être l'un
des quatre membres d'une commission administrative pour
gérer la
commune. Il accepta et remplit cette tâche difficile avec
courage et
impartialité. Certains mécontents, et
même furieux de sa présence à la
mairie, lui feront payer cher. A la libération, ces
excités sont venus
jeter d'énormes pierres dans les portes de son
domicile. Sa femme
eut tellement peur qu'elle ne s'en remit jamais. Elle mourut le dernier
jour de mai 1945 ; elle avait 45 ans. Et avant de mourir,
elle
dit simplement, d'une voix qui s'éteignait, à son
beau frère, vicaire : "
C'est de leur faute, mais je leur pardonne". Gestes idiots,
inspirés
par la haine et aux conséquences dramatiques. |
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Tout
le monde n'a pas
eu la chance d'être libre dès cette date.
On pense
évidemment aux
Parisiens qui ont dû attendre encore (19
au 25
août 1944 )
Sans aller si
loin, à quelques kilomètres d'Angers,
à l'ouest, une amie de la femme de Papy-Louis
leur relatait 6 mois plus tard (décembre 1944) les
conditions
de vie à
Saint Jean de la Croix au moment des combats pour libérer
les rives de la Loire. |
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Nous en
savons quelque chose puisqu'un cousin résistant appartenant
au
corps franc a été
tué ... le 19 août 1944 lors d'une mission de
portage
d'une missive décisive dans le dénouement de la
libération de Paris. |
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Papy-Louis pouvait
désormais
laisser son fils jouer à l'extérieur avec l'avion
qu'il avait scupté :
" le libérator ", et ce, sans crainte de
représailles. |