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Quelle
que fut l'époque, l'homme a eu
besoin de se nourrir. Paris, ou plus exactement Lutèce,
concentrée sur
l'île de la cîté, était
approvisionnée au Port Saint Landry.Ce ne
furent donc pas les halles de Paris qui ont connu la
première migration
mais le "marché lutécien".
C'est
à proximité, en conservant un
accès fluvial que le marché a
été
déplacé, sur décision de l'occupant
Romain, place de l'hôtel de ville
(place de Grève) et ceci pour une période allant
jusqu'au XIIème
siècle. Les futurs "forts des halles" (travailleurs
intérimaires,
dirait-on maintenant) y venaient chercher le travail : ils
étaient "en
grève".
Comme à chaque changement de site, ce sont :
l'exiguité des lieux, la
densité de population, l'urbanisation et
l'hygiène qui ont motivé les
déplacements.
Au XII ème, Louis VI "décentralisa" une nouvelle
fois le marché pour
l'implanter dans une zone de marécages
asséchés non encore urbanisée :
les
"petits champs" ou Champeaux et c'est Philippe Auguste qui fit
construire les premiers "pavillons" et le nom de halles va
apparaître avec la halle aux
drapiers et aux tisserands.
Au XIIIème, sous Saint Louis, trois bâtiments
furent ajoutés; ce
fut
d'ailleurs le début d'un "secteur" poisson.
Tout le moyen âge connaîtra ces
infrastructures et ce marché sera également le
lieu choisi par le Roi
pour y installer le pilori en son centre afin que tout le monde puisse
"contempler" les repris de justice (justice souvent rendue en public au
même endroit) attachés et exposés sur
une roue pendant plusieurs
jours de marché, visibles de toutes les
directions.
Au XVIème, François Premier décidera
une "réformation des halles" et
ces
énormes travaux durèrent une trentaine
d'années pour aboutir, sous
Henri II, à un secteur constitué de
bâtiments fermés, à arcades autour
du futur "carreau", permettant de conserver les marchandises des
vendeurs.
Puis, juste avant la révolution, l'église des
Saints innocents, le
cimetière et le charnier des innnocents
désaffectés (on pourrait
presque dire "désinfectés" car sous Philippe
Auguste, les cochons
étaient encore "autorisés" à fouiller
les tombes...) permirent
l'extension des halles
et, en particulier le secteur des fruits et légumes.
Trois cents ans plus tard, Napoléon considéra
qu'une
réforme des halles de Paris était prioritaire, il
voulait en faire "le
Louvre du peuple". Il ne fit pourtant construire qu'un seul
bâtiment.
Ce fut sous Napoléon III et à la demande de
celui-ci que le Baron
Haussmann, Prefet de Paris soutint le projet
étudié ensuite par Zola
dans "le Ventre de Paris" publié en 1873. Ce sont ces halles
que les
plus anciens d'entre-nous aujourd'hui ont connu qui virent le jour.
Victor Baltard nommé
architecte
du projet, d'abord interrompu dans ses travaux par la
révolution de
1848, entreprit la construction d'un
premier bâtiment de pierre, reconnu inadapté et
laid, surnommé le "Fort
des
Halles".
Il fut aussitôt détruit sur ordre du Prefet
Haussmann qui venait d'être
nommé, pour être remplacé par les
fameux "pavillons Baltard" à toits de
verre et à
structure entièrement métallique
réclamés par Napoléon III : " Ce sont
des vastes parapluies qu'il me faut, rien de plus !" qu'Haussmann
complètera par «Je veux du fer ! Rien que du fer
!» .
Un arrêté préfectoral du 20 juillet 1897
organise et divise le carreau en 2 zones :
- La zone intérieure, délimitée au nord par la rue
Rambuteau, à l’est par la rue Pierre Lescot, au sud par la
rue Berger et à l’ouest par la rue Vauvilliers. Elle
comprend aussi la rue des Halles et de la Poterie, une partie de la rue
des Bourdonnais et une partie de la rue Turbigo. où les
cultivateurs et approvisionneurs qui se font livrer ou qui
amènent des produits achetés en dehors de Paris doivent
produire un certificat (pour les cultivateurs) ou l’empreinte du
timbre de l’octroi (pour les approvisionneurs). Ils placent
devant leur marchandise une plaque de tôle réglementaire
portant leur nom, leur qualité, etc. Pour les cultivateurs,
cette plaque est écrite en blanc sur fond vert et pour les
approvisionneurs, en vert sur fond blanc.
- La zone extérieure, avec ’extrémité de la
pointe Saint-Eustache, une partie de la rue Rambuteau, la rue
Montmartre et une partie de la rue Montorgueil. Pour y figurer, les
marchands sont abonnés.
Sur ces deux zones du carreau, les denrées sont réparties
soit par produit vendu, soit par lieu de production.
Un arrêté du 20 avril 1908 désigne le carreau comme
« l’annexe de la vente en gros des fruits et légumes
et des produits du jardinage ».
Les dix pavillons ont donc constitué un des plus grands
marchés au
monde, à la veille du XXème siècle,
faisant dire à Gustave Eiffel :
"Baltard ouvre Paris au XXème siècle".
Une voie ferrée a permis, au début du
siècle, l'approvisionnement
jusque dans la rue des halles (les voies étaient encore
présentes après
la guerre 39-45) des marchandises venant des producteurs de la proche
banlieue actuelle : il y avait les trains de pois, de choux etc...
Au milieu du XXème siècle et pour les
mêmes raisons, les
infrastructures mais aussi l'implantation géographique
recommencèrent à
faire défaut.
En effet, lorsque sont évoquées les halles de
Paris aujourd'hui, on a tendance à penser à un
marché couvert
sous les pavillons Baltard. En
fait, il faut savoir que le marché occupait plus de 30
hectares alors
que les pavillons ne représentaient pas le
dixième et que les immeubles et commerces de
mandataires équipés de
magasins fixes avec
entrepôts,
voire chambres froides ou à "murir", à bananes
etc ... ne
représentaient que la moitié ! Ce qui veut dire
qu'il y
avait 15 hectares de marché sur
la voie publique avant le transfert.
Jusqu'à cette époque, le marché
commençait très tôt pour
finir
vers 8h00 du matin; il fut décidé d'avancer cette
heure pour faciliter
la circulation : pour cela, les approvisionnement pouvaient se
faire à partir de 23 h00 et le marché
commençait à minuit pour finir
vers 7h00. Cela ne suffit pas, la circulation devenait de nouveau
très
difficile,
le marché, jusque là limité, au sud,
à la rue des halles, s'étendait
sur
le Boulevard Sébastopol, rue de Rivoli
jusqu'à la Samaritaine, à
l'est sur le pourtour de la place du Châtelet et
à l'ouest
sur la rue du louvre ...
D'autre part la banlieue commençait à
s'agrandir et, autant un marché central pour une ville de
taille
moyenne était justifié, autant
générer ces "nuisances" au coeur de la
ville pour des transactions de marchandises arrivées de
toute la France
et même plus qui repartaient se vendre au détail
en banlieue ou en
province semblait incohérent.
En 1953, l'apparition des marchés
d'intérêt national (M.I.N.)
relancèrent le débat et, en 1962, Michel
Debré, à la demande du
Général
de Gaulle,
prit la décision d'un transfert qui se fit à
Rungis. Les premiers
travaux commencèrent en 1964 pour une ouverture les 3 et 4
mars 1969.
La viande
suivra en 1973 après un passage par la Villette pour des
raisons de
proximité des abattoirs, dans un premier temps.
A la demande des mandataires, après une pression de deux
annnées, le
marché de nuit a été
remplacé par le marché de jour; ce fut une
révolution presque aussi importante que le changement de
lieu.
Rungis devint le
plus grand
marché du monde de ce type et à cette date.
Les pavillons
Baltard étaient
donc voués à la destruction et cela fut
là l'origine de polémiques et
d'échanges politiques sérieux pendant
plusieurs années.
1970 a été l'année de la destruction
et, heureusement, le pavillon
N°8 a été démonté
soigneusement et reconstruit à Nogent sur Marne. Il
est désormais
classé monument historique en devenant un espace
contemporain
polyvalent. Il contribue à la préservation du
patrimoine du XIXème; on
pourrait même dire que cette polémique aboutit
à la prise de conscience
de la nécessité de conserver ce patrimoine
peut-être encore trop récent
pour avoir été appréhendé
de la sorte auparavant.
Le Président Pompidou fit construire un centre culturel qui
porte son
nom. L'esthétique est contestée, le "trou des
halles" n'en finit pas de
créer des polémiques jusqu'à la
rénovation du métro et du RER. Ce noeud
ferroviaire sera complété par le "Forum des
halles", qui marie
équipements de loisirs, piscine,
vidéothèque, cinéma et un centre
commercial qui a été (plus qu'il ne l'est
à ce jour) la vitrine du prêt
à porter.
Une rénovation du centre, l'adjonction d'un jardin suspendu
sont
actuellement à l'étude. Serions-nous entrain de
recréer le "Louvre du
peuple" désiré par Napoléon ?
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