1914 - Pupille de la Nation - 1918
1917 - : ORGANISATION DU TRAVAIL, HYGIÈNE ET REPOS DANS UNE USINE MODERNE
Alors qu'en 2017, soit cent ans plus tard, la révision du code du travail fait grand bruit, un retour en arrière s'impose et fait réfléchir.
Nous sommes encore en guerre et les usines réquisitionnées produisent des munitions, des armes et des véhicules militaires.
Il faut noter que 12 ans plus tard, en 1929, Papy-Louis travaillait encore 60 heures par semaine (6 x 10 heures) et ce jusqu'en 1936 (alors que la loi était passée à 6x8h depuis la fin de la guerre mais non appliquée en arboriculture et agriculture).
Voici un article, à ne pas manquer, écrit par André CITROËN fin 1917 et paru en janvier 1918.
(Issu de ma collection personnelle de "La Science et la Vie", à des fins de consultation - pour toute utilisation : contacter l'éditeur, Tome XIII N° 36 19ème numéro spécial - Janvier 1918)
Que d'idées et d'avancées depuis "Germinal" très récent mais quelle exploitation et encore quel servage, pourrait-on dire !!!
L'ORGANISATION DU TRAVAIL, LES RÈGLES DE L’HYGIÈNE ET DU REPOS DANS UNE USINE MODERNE Par André CITROËN |
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Pour
obtenir le
meilleur rendement d'une usine, c'est-à-dire une production
intensive par chaque ouvrier ou personne employée,
rendement dont le coefficient peut être
contrôlé en divisant le chiffre d'affaires, soit
calculé en argent, soit calculé en tonnage, par
le nombre
total des travailleurs de l'établissement, la condition
principale est, avant tout, de faire le moins d'objets possible et
d'éviter de changer de type et de fabrication. Si l'on arrive, d'une part, à étudier d'une façon précise quelles sont les opérations nécessaires à la fabrication et dans quel ordre elles doivent être exécutées et, d'autre part, l'adaptation des machines auxdites opérations, le rendement exact de l'outillage, on évite les à-coups et on permet à un atelier de produire régulièrement, dans le même temps, le même nombre d'objets. L'exemple de la fable de La Fontaine le Lièvre et la Tortue peut être appliqué à une usine. En effet, l'atelier qui, d'un bout de l'année à l'autre, fonctionne d'une façon régulière, aura un rendement beaucoup plus considérable qu'un atelier marchant par à-coups, même si, à certains moments, cet atelier produit d'énormes quantités d'objets. C'est une des raisons pour lesquelles, à mon avis, l'industrie automobile n'a jamais eu, avant la guerre, le développement sur lequel on était en droit de compter. Nous sommes un peuple d'inventeurs, de créateurs ; mais, dominés par la manie du changement, du perfectionnement ; dès qu'une chose est à peu près au point, nous voulons qu'elle soit modifiée, et rien n'est plus désastreux pour une fabrication que ces bouleversements continuels: bureau d'études sans cesse sur les dents, atelier de modelage toujours surmené par des modifications successives, retard dans l'arrivée des matières premières, et surtout impossibilité de mettre les machines aux places qu'elles doivent logiquement occuper, sous peine de faire des déménagements continuels. Les usines américaines, au contraire, en changeant rarement de type, et en travaillant d'une manière continue, sont arrivées à des productions formidables. Tout le monde connaît maintenant les rendements de l’usine Ford, dus au fait principal que cette usine travaille depuis quelques années, sans interruption aucune, sur les mêmes modèles de voitures automobiles. Ces principes pouvaient trouver leur application aux productions intensives nécessitées par les besoins de la défense nationale. Si toutes les usines de guerre s'étaient spécialisées uniquement dans la fabrication d’un seul article, la répartition des besoins étant faite aux usines selon leur importance, d'après le matériel dont elles disposaient et les aptitudes du personnel, elles seraient arrivées certainement à des rendements sinon décuples, au moins doubles et triples. Combien de temps perdu dans toutes les usines par suite des modifications, des transformations successives! Combien de fois les machines sont-elles arrêtées et les ouvriers restent-ils sans travail ! Ce premier principe étant admis, nous supposerons que l'usine à grand rendement fabrique un nombre très restreint d'objets. Le cas de l'obus de 75 est tout à fait typique, et l'un des plus simples, pour obtenir une production considérable. Pour chaque objet, il faut déterminer la liste des opérations à faire : forgeage, dégrossissage, trempe, usinage, montage, etc... Lorsque ces opérations sont bien arrêtées, il est de toute nécessité de placer les machines les unes à la suite des autres, dans l’ordre naturel des travaux à effectuer et de déterminer le nombre de machines indispensables à chaque opération, de telle façon que la quantité de pièces à l'heure faites dans chaque «passe» soit la même; si l’on s’est fixé à l'avance le nombre de pièces à fabriquer dans les soixante minutes, on arrive facilement à ce résultat. |
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Il
faut ensuite disposer ces machines les unes par
rapport aux
autres
de façon à réduire les manutentions au
minimum,
tout en laissant à
l'ouvrier la place nécessaire pour pouvoir faire les
gestes indispensables. L'ensemble des machines
placées les
unes derrière les autres constituera une
chaîne
analogue à la chaîne des seaux établie
pour combattre un incendie, et le personnel occupé dans
cette
chaîne
(ou "tranche", pour employer l'expression dont on se sert dans mes
ateliers), sera mécaniquement entraîné
à
exécuter
toutes les opérations à des vitesses synchrones.
Il arrivera même assez souvent ce
phénomène
que si, sur l’une des opérations, la vitesse
augmente, elle
s'accélérera sur toutes les autres par la force
des
choses. |
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ATELIER D'EMBOUTISSAGE DES
CORPS D’OBUS A LA PRESSE HYDRAULIQUE On remarquera l'heureuse disposition des appareils de fabrication qui ont été montés en ligne dans un hall beaucoup plus long que large et desservi dans toute son étendue par une allée spacieuse. |
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Il
y a toujours un avantage considérable à
déplacer une machine si elle
est employée pour une opération dont la place
change. Le déplacement de
la machine, en effet, n’entraînera que quelques
jours de travail et
qu’un transport de quelques tonnes ; si, au
contraire, cette machine
doit faire un million d'objets qui pèsent quelques
kilos chacun, cela
évitera de manutentionner des milliers de tonnes et
d’encombrer
inutilement les dégagements de service d’un
atelier. Il peut y avoir des pièces « loupées », c’est-à-dire ne correspondant pas aux cotes des diverses opérations. Dans ce cas, un contrôleur volant doit signaler le défaut, et l'industriel ne doit pas hésiter à intercaler, dans les différentes phases de la fabrication, des machines de retouches pour réparer de suite la pièce et ne pas la faire revenir en arrière. Si, à un moment donné, une pièce est très malade et ne peut être réparée sur place, il convient d'organiser dans un coin de l'atelier un hôpital pour pièces où seront expédiées toutes les pièces malades, ce qui évitera de les faire revenir inutilement sur leurs pas dans la fabrication normale. |
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D'ailleurs, un laboratoire des plus perfectionnés permet d’éviter les à-coups de la fabrication en ne lançant dans les ateliers que des métaux dont on est sûr, tant au point de vue de leurs qualités physiques et chimiques qu’au point de vue du traitement thermique à leur faire subir. |
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Les manutentions
intérieures. Les machines étant ainsi placées les unes à la suite des autres, suivant le processus des opérations, il faudra éviter, chaque fois qu’on le pourra, les manœuvres à bras, et remplacer le plus possible la main-d’œuvre humaine par la main-d’œuvre mécanique. Les chaînes sans fin pourront être employées, ainsi que les petits transporteurs électriques avec plate-forme élévatrice, supportant des caisses de 200 obus, des caisses de charbon, de copeaux, etc... Une femme conduisant l'un de ces chariots, d'un maniement très facile, déplace deux tonnes à chaque opération ; elle peut faire dans sa journée de dix heures plus de 200 manœuvres successives, ce qui représente un déplacement de 400 tonnes de marchandises. |
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VUE
LATÉRALE D’UN TRANSPORTEUR ÉLECTRIQUE L'arrière du chariot est glissé sous le chevalet dont les alvéoles sont garnies d'obus ; un mécanisme spécial, actionné par la conductrice, élève la plate-forme, laquelle, dans son mouvement ascensionnel, soulève le chevalet. Celui-ci se trouve chargé sur le petit véhicule, qui démarre alors au moyen d'une pédale. |
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La discipline dans les ateliers. Pour augmenter le rendement, il est de toute nécessité que l'ouvrier perde le moins de temps possible et surtout qu'il ne soit pas obligé de se livrer dans l'usine à des allées et venues inutiles, résultant souvent d’une mauvaise organisation. Il faut donc s'arranger pour que l'ouvrier ne soit pas astreint à circuler trop fréquemment dans les ateliers, à perdre du temps à son arrivée comme à son départ, et que, s’il a des déplacements à faire dans la journée pour des raisons de service quelconques, ces déplacements soient réduits à la durée exacte qu’ils comportent. Je vais examiner maintenant les différents cas qui peuvent se présenter, et indiquer pour chacun d'eux les mesures qui conviennent le mieux à la bonne marche des ateliers. Les conditions dans lesquelles s’effectue le travail ont également une importance considérable pour sa parfaite exécution. Embauche des ouvriers. Il faut que le nouvel ouvrier, en arrivant à l'usine, soit de suite interrogé par un employé très expérimenté et qui, à la suite d’une conversation rapide, sache exactement quels sont les ateliers où cet ouvrier pourra travailler le plus utilement, selon son intelligence et ses capacités. Il faut ensuite lui remettre instantanément sa feuille d'embauche, feuille imprimée qui lui indique exactement l'atelier où il doit travailler, le chemin à suivre pour s’y rendre, le nom de son contremaître, sa feuille de pointage, son numéro de lavabo, son numéro de vestiaire, le numéro de la pendule de contrôle à laquelle il doit se pointer, etc... |
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PAVILLON
DES PENDULES DE POINTAGE ET DU CONTRÔLE DE LA
MAIN-D’ŒUVRE En arrivant à son travail, l'ouvrier se pointe lui-même à l'un des appareils horaires installés sous le péristyle de ce pavillon. Un dispositif spécial, en communication directe avec la pendule, inscrit sur un ticket introduit dans une fente l'heure de son arrivée. |
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De cette façon, cinq minutes après son embauche, l'ouvrier sera à pied-d’œuvre et aura fait connaissance avec son contremaître. Il faut que les W.-C. soient très rapprochés de l'atelier où l’ouvrier travaille, afin qu’il ne soit pas obligé de s’absenter trop longuement, de circuler dans les cours pour s’y rendre et de perdre ainsi du temps. |
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Il
importe
aussi que l'ouvrier puisse aisément se rafraîchir
pendant
l'été ; par conséquent, il est
indispensable de
multiplier dans les ateliers des petites fontaines
rafraîchissantes à
jet ascendant
semblables à celle que représente la photographie
ci-dessous. |
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OUVRIÈRE
SE DÉSALTÉRANT PENDANT LE TRAVAIL A UNE FONTAlNE
A JET ASCENDANT
Point n'est besoin de verre ni d’un récipient
quelconque
pour boire à cette fontaine, qui évite
également
l'emploi, aussi commun que malpropre, du creux de la main pour retenir
le liquide.Il n'y a qu'à se pencher au-dessus du jet pour absorber directement une eau toujours fraîche et pure. |
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Il
est
également nécessaire qu’il y ait dans
l'usine des
bureaux de réclamations nombreux où l'ouvrier
puisse se
rendre s’il croit avoir à se plaindre de quelque
chose ;
enfin, il faut qu’il puisse facilement
vérifier sa paye et ne pas perdre de temps pour
être
payé. A cet effet, j’ai employé un
nouveau
système, qui se répand de plus en plus
dans la plupart des usines, et qui consiste à ne payer,
à
la fin de chaque quinzaine, que des sommes rondes : 70, 80, 90 francs,
en reportant le complément en francs et en centimes
à la
quinzaine suivante. L’ouvrier qui, par exemple,
doit toucher 96f.55, ne touchera que 90 francs, les
6
fr.55 étant reportés. Le jour de la paye,
tous les ouvriers devant toucher 90
francs se rendent
au guichet des 90 francs, qui leur est indiqué par une
couleur
déterminée, et le payeur de ce guichet verse
toujours la
même somme de 90 francs à tous ceux qui
s’y
présentent. De cette façon, on arrive
à payer
plusieurs milliers d'ouvriers en cinq ou six minutes. Dans une usine qui occupe un très nombreux personnel, tout doit concourir à l'économie du temps. Cinq minutes perdues par-ci, trois minutes par-là, c'est la production diminuée au préjudice des uns et des autres. Communications au personnel. Un point très important est de pouvoir faire connaître facilement au personnel toutes les questions susceptibles de l'intéresser, notamment celles ayant trait à la discipline intérieure. A cet effet, les méthodes employées sont les suivantes : Ou bien distribuer des imprimés à la sortie de l'atelier, ou bien faire savoir aux ouvriers par l’intermédiaire de leurs contremaîtres, les nouvelles décisions prises, ou bien encore c’est la méthode la plus frappante et la plus rapide faire des projections lumineuses sur les portes de sortie, et promener de grandes affiches dans les ateliers pour annoncer les modifications aux règlements du travail ou les mesures que doit connaître le personnel. |
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Il
importe de
régler de la façon la plus précise les
changements
d’équipe, lorsqu’on emploie le
système des trois équipes de huit
heures. Si chaque ouvrier a bien sa
place dans l’équipe et si chacun sait
exactement qui il doit remplacer, on arrive à faire des
changements d’équipe, même
quand
il y a des mouvements
combinés, sans perdre
une seule seconde. C’est le résultat obtenu dans
les
ateliers de trempe, où l'obus est sorti du
four par un homme d’une équipe et repris
à sa
sortie par un homme de l'équipe suivante. Dans ces ateliers,
pour éviter à l'ouvrier de calculer à
quel moment
il doit sortir l'obus du four, des lampes électriques
s'allumant
toutes les trente secondes lui donnent le signal de la sortie. |
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VUE
GÉNÉRALE DU HALL DES FOURS SERVANT AUX
TRAITEMENTS THERMIQUES Les pièces à tremper ou à recuire sont introduites dans des fours spéciaux où elles ne doivent séjourner que pendant un laps de temps déterminé. Des lampes électriques placées près des portes s’allument automatiquement pour annoncer la fin de l’opération. |
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Le
bien-être matériel et moral de l’ouvrier
contribue
également au grand rendement ; il assure la production
d’une façon constante. Dans l’ordre
matériel,
j’ai pris les dispositions suivantes, que je ne
saurais trop
recommander aux directeurs d'établissements
métallurgiques et autres, ayant réellement souci
de
la bonne tenue et de la santé de leur personnel
ouvrier des
deux sexes : Habillement, hygiène et soins. Costumes : |
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Pour
les
costumes, j’ai adopté les cottes bleues des
mécaniciens pour les hommes, les blouses blanches pour les
femmes qui sont coiffées de bonnets gracieux faits par une
grande modiste de Paris et les blouses kaki pour les
contremaîtres, ces vêtements étant
lavés
toutes les semaines. |
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OUVRIÈRES
SCIANT DE PETITS TUBES D'ACIER
Toutes les femmes qui travaillent dans l'usine sont revêtues de blouses blanches et coiffées de coquets bonnets qui protègent leurs chevelures contre les poussières. |
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Chaque
ouvrier possède son armoire, et des lavabos sont en nombre suffisant pour tout le personnel. Des douches sont installées pour tous les ateliers où l'on travaille à chaud et où 1’on manipule le plomb. Tous les ateliers doivent être très aérés, et avoir de grandes allées de circulation. Ils sont suffisamment chauffés pendant l'hiver. WC : Il est nécessaire, comme il a été dit plus haut, d’avoir des W.C. auxquels on puisse avoir accès sans sortir de l'atelier. Buanderie : Il y a dans l’usine une buanderie très vaste qui permet de laver 1.000 kilos de linge par jour, c'est-à-dire toutes les blouses de travail et le linge de la cantine. Soins médicaux : Une infirmerie doit être complètement antiseptique. En soignant de suite une blessure, on évite qu’elle s’envenime et l’on diminue dans une proportion considérable les causes d’arrêt du travail. Dans l'infirmerie se trouve une salle de consultations médicales, où un docteur donne constamment des soins et délivre des ordonnances aux ouvriers malades. Cabinet dentaire : |
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Enfin, j’ai installé un cabinet dentaire, qui soigne cent ouvriers par jour, et dont le rendement sera bientôt porté à trois cents. Les ouvriers y sont reçus sur rendez-vous lorsqu’il s’agit de donner des soins répétés. Les ouvriers qui sont pris «subitement du mal de dents sont admis de suite et sont soignés au même titre que les blessés à l’infirmerie. J’estime, en effet, que le mal de dents est un de ceux qui entraînent une diminution de rendement, surtout lorsqu’il atteint un chef d’équipe ou un contremaître, dont la mauvaise humeur ou le malaise peut compromettre la bonne marche et la production de tout un atelier. | ||
LE CABINET DENTAIRE
POSSÈDE DES INSTALLATIONS TRÈS
PERFECTIONNÉES Actuellement, on soigne dans ce cabinet une moyenne de cent ouvriers par jour, des installations nouvelles permettront bientôt de porter à trois cents le chiffre des personnes que les praticiens pourront soulager quotidiennement, sans attendre que l'aggravation du mal les force à s'arrêter. |
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Manucures :
Il importe, pour toutes ces installations hygiéniques, que
les
personnes employées donnent aux ouvriers l’exemple
constant de la propreté la plus minutieuse. Une manucure est
attachée à l'infirmerie, au cabinet dentaire et
à
la pouponnière, pour soigner les mains de toutes les
personnes
appelées à donner des soins aux autres. Cette
même
manucure soigne également les mains des employées
de la
cantine, qui sont appelées, soit à toucher les
aliments,
soit à les présenter aux consommateurs. Alimentation : |
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L’ouvrier doit se nourrir le mieux possible
pour pouvoir assurer dix heures par jour de travail continu. La nuit, une soupe chaude et un café chaud sont distribués de minuit à minuit et demi, aux prix de 0 fr. 25 et 0 fr. 10. Pour le déjeuner de midi, une grande cantine, très aérée, de 2.700 places, permet à tous les ouvriers qui le désirent d’y prendre leur repas, pour 1 f. 50, le café et le vin étant comptés en supplément. Le repas complet revient à environ 2 francs, ce qui est un prix raisonnable. Le service de la cantine est assuré par la même méthode que celle des ateliers. Des lampes électriques indiquent les changements de plats afin de hâter les retardataires. Des serveuses, proprement habillées et parfaitement tenues, distribuent les mets. Des chariots électriques amènent les plats de la cuisine et les transportent aux tables chaudes. Le repas dure quarante-cinq minutes, durée très normale d’ailleurs. UNE
SERVEUSE DE LA CANTINE DE L'USINE DU QUAI DE JAVEL
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Coopérative : Pour les ouvriers qui ne prennent pas leur repas à la cantine, mais mangent chez eux, une grande coopérative, pour la vente d’aliments et même d’effets d'habillement, est organisée rue de la Convention. Les ouvriers peuvent y trouver, avantageusement; aux prix de gros, tout ce qui leur est nécessaire. Puériculture : |
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Les
femmes sur le point d’être mères
reçoivent une allocation mensuelle de 30 francs. Elles sont astreintes à passer deux fois par mois la visite de la doctoresse. Dès que leur état physique ne leur permet plus de continuer leur travail, elles sont envoyées dans un refuge où elles sont défrayées de tous frais. Au moment de la délivrance, elles sont admises à l’hôpital Baudelocque, puis envoyées dans un autre refuge, où elles restent six semaines. Complètement rétablies, elles peuvent venir reprendre leur travail à l'usine. A cet effet, une pouponnière de quatre-vingt-dix berceaux reçoit les nouveau-nés, à. condition qu’ils soient nourris par leur mère. Les mères y viennent allaiter leurs enfants cinq fois par jour, en ne quittant que deux fois leur travail et reçoivent une prime d’allaitement qui varie de 20 à 50 francs par mois. Règlement de la pouponnière : Les enfants y sont apportés par les mères et y restent en permanence jour et nuit. Il y a, la nuit, deux berceuses-veilleuses par dortoir de trente enfants. Les Enfants sont rendus aux mères le samedi soir. Elles les rapportent le lundi matin à la pouponnière. |
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LA POUPONNIÈRE, SPACIEUSE ET BIEN
AÉRÉE, RENFERME QUATRE-VINGT-DIX
BERCEAUX Cinq fois par jour, les mères travaillant à l'usine y viennent allaiter leurs bébés. |
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Primes de secours. Il faut éviter les soucis à l'ouvrier qui, pour des raisons quelconques, peut être momentanément dans le besoin, sous peine de le voir dans un état moral peu en rapport avec celui de l'ouvrier à grand rendement. D'où la nécessité d'une organisation de primes de secours, données soit aux femmes grosses, soit aux familles nombreuses, soit pour les prisonniers. soit aux femmes nourrices, ou bien encore à l'occasion de mariages, de naissances ou de décès. Éducation morale et distractions. Des conférences sont faites régulièrement à des groupes de deux cents ouvriers, sur des sujets déterminés. Ces conférences sont accompagnées de projections cinématographiques. Une bibliothèque très bien garnie est à la disposition du personnel. Des cours du soir sur l'algèbre, la géométrie, la physique, la métallurgie, etc..., réunissent de nombreux auditeurs. Les cours, deux fois par semaine, sont suivis par plus de cent élèves. Des livres très pratiques, de conseils moraux et professionnels, sont distribués aux contremaîtres. En intéressant de cette façon tout le personnel à des questions d’ordre plus élevé que celui du travail matériel, on arrive à relever son état moral, et l’on donne à tous ceux qui en ont les moyens la possibilité de se distinguer, de parvenir à des emplois plus rémunérateurs et correspondant véritablement à leurs aptitudes et à leurs facultés. Distractions : Le repos hebdomadaire est indispensable. Il faut qu'après une semaine de travail il y ait un peu de changement dans les idées. En outre, il ne suffit pas de s’arrêter de travailler, il faut également avoir de véritables distractions. La cantine est transformée en salle de cinéma tous les samedis soir pour de grandes représentations auxquelles assistent 3.500 spectateurs. Des films moraux (lutte contre l'alcoolisme), voyages aux États-Unis, vues de guerre, films sur la fabrication, intéressent au plus haut point le personnel. Une fanfare répète journellement et prête son concours à ces représentations cinématographiques, qui ont grand succès. Une Amicale des Employés donne, une fois par mois, des réunions artistiques très suivies, avec chants, musique et comédie. Enfin, un journal, spécialement consacré aux événements de l'usine et à ses collaborateurs, permettra bientôt à tous de se tenir au courant de tout ce qui se passe dans l'immense ruche ouvrière du quai de Javel. La cantine a été utilisée, à la fin de l'année dernière, pour une magnifique fête de Noël comportant l'arbre traditionnel étincelant de lumières et chargé de cadeaux, fête donnée à l'intention des enfants des ouvriers âgés de moins de dix ans, avec goûter, musique, cinéma et distribution de jouets. La pouponnière a été heureusement complétée par une garderie destinée à recevoir cent cinquante enfants de un à cinq ans et qui a été inaugurée vers la fin de 1917. Cette organisation rend de grands services aux mères qui, pendant la période d’allaitement de leurs nouveau-nés, sont autorisées à quitter le travail deux fois par jour. Telles sont, rapidement esquissées, mais substantiellement exposées, les grandes lignes de ma conception de l'usine moderne. De l'ordre matériel dans les choses et une méthode rationnelle et judicieuse dans le travail, surtout, des soins incessants pour les travailleurs, à qui on doit s’efforcer de donner le confort physique et de procurer en même temps la satisfaction de l'esprit. Si, pour reprendre une définition célèbre, l'homme est une intelligence servie par des organes, il ne faut pas, dans l’industrie, ne se préoccuper que de l'utilisation des organes ; il faut aussi que le moral soit soigné absolument au même titre que le corps. Personnellement, je m’efforce de poursuivre ce double but et de réaliser ainsi le bon programme social, consistant à faire au travailleur une vie plus douce, à lui rendre son labeur moins pénible et plus facile, ce qui contribue, en outre, à atteindre le meilleur rendement de la production industrielle. ANDRÉ
CITROËN.
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