LA
BOULE
DE FORT EN ANJOU
: VI - LA VIE
DANS
LES SOCIÉTÉS
Ambiance de jeu
Brion : à l'avant de la salle , la
"maison" où l'on joue aux cartes, au billard, où
l'on est entre hommes.
Intérieur de la salle de l'Union.
Robert. H joue avec les petites boules d'Auguste, sur fond de paysage.
Les
sociétés sont d'abord un
endroit où l'on se réunit entre amis, et qui
n'est ni le café, ni la maison de l'un ou l'autre. Toutes les
sociétés sont à la recherche de
ce lieu de rencontre. Si le contexte a évolué, les
sociétés ont chacune leur ambiance
particulière
: ici ce sera plus familial, là plus "macho". Cela tient certes à
l'aménagement des lieux,
à la moyenne d'âge et au milieu social des joueurs.Il est impératif de bien s'y tenir.
Les règlements de l'époque étaient
précis. La grivoiserie faisait partie de l'ambiance mais elle
était encadrée : "Quiconque dans la salle pétera,
rotera, pissera ou fera ce qu'on
nomme des fusées, payera 5 sous", écrit le maire de
Doué-la-Fontaine en 1829. L'article 2 d'un règlement plus
que centenaire de la société du
Pavillon des Rosiers sur Loire, qu'Émile Joulain cite dans son
ouvrage vaut tel un commandement : "Tous les sociétaires, soit dans
leurs réunions, soit au dehors,
devront toujours se conduire d'après les règles de la morale la plus
sévère ; la probité,
l'honnêteté,
la décence, la politesse devront se faire remarquer dans toutes leurs paroles et
actions ; c'est le moyen le
plus certain de mériter l'estime publique et de conserver le respect
de soi-même."
A
partir de 1852, le contrôle
des sociétés devient plus strict et celles-ci
doivent présenter leur règlement. Dans chacune d'entre
elles, l'autorité se préoccupe de
faire insérer deux articles interdisant, l'un les discussions politiques
et religieuses, l'autre les
jeux de hasard. La cohésion du groupe suppose une
fréquentation régulière :
d'où
l'obligation, parfois inscrite dans le règlement, de venir
à la société au moins une fois par
mois.
Cette union des sociétaires se manifestait autrefois
particulièrement lors de la mort de l'un d'entre
eux. L'assistance aux obsèques, ignorée dans les plus anciens
règlements, jusque vers 1830, est
d'abord recommandée, puis vite rendue obligatoire. Au retour, on revient en
groupe à la société et
l'on boit à la mémoire du défunt. A moins que cela ne soit
déjà fait ! Aujourd'hui, on essaie de se
libérer
pour assister à la sépulture. En revanche, la société
reste fermée en signe de deuil.En 1999, la cohésion est restée
même si les joueurs n'ont pas tous des
affinités entre eux. Lenombre
grandissant de sociétaires y est
pour quelque chose. Il avoisine aujourd'hui 100 à 200personnes
par société, au lieu d'une
cinquantaine le siècle dernier. Par ailleurs, à
l'époque, on nepouvait
être membre que d'une société.
Désormais, nombre de joueurs sont inscrits dans une ou deux
autres sociétés.
L'interdiction portant sur les discussions politiques a disparu : comme
dans
tout bistrot de quartier, les sociétaires devisent sur
l'actualité politique
locale et nationale.
Une
tradition perdure : les modalités de l'admission, comme
l'explique Jean-Paul
Fleury, de lasociété
Fraternelle Jean Macé. En
effet, pour entrer dans une société, il faut se
faire parrainer pardeux
personnes pendant quelques mois et
être élu. Aujourd'hui, cette exigence est facile
à remplir. Autrefois les
sociétés étaient beaucoup plus
fermées. Les membres se recrutaient selon les
affinitéssociales,
politiques et religieuses. Dans
le reportage, Jean-Luc Gaillard parle des différences entresociétés
laïques et catholiques. Autre
exemple à Bauge. Il y avait d'un côté "
l'Industrielle ", où se
retrouvaient les notables et de l'autre " les Artisans ".Certaines
sociétés avaient une majorité
de membres communistes, alors que d'autres montraientleur
obédience ayant pour président et
vice-président le châtelain et le curé.
Et il n'était pas questiond'adhérer
à deux sociétés à la fois,
ni d'amener dans sa société des
invités de la commune sous peined'amende.Les
multiples amendes représentaient
l'une des sources de recette de la société.
S'ajoutaient lescotisations
des membres, le prix des
parties - toujours payantes mais à un prix modique - et le produit
des ventes des boissons.